Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 7 septembre 2016

L'INFILTRATION DES LANGUES


 Supervielle encore, dans son Journal d’une double angoisse, mars 1946, au terme des années d’exil, celles de la guerre, en Amérique du Sud : « On ne sait pas, bien sûr, à quel moment se produisent les infiltrations d’une langue dans une autre. Mais tout d’un coup, en levant les yeux de l’esprit, l’on voit quelque chose comme de l’humidité au plafond, et voilà que, si l’on n’y prenait garde, il commencerait à pleuvoir à verse de l’espagnol dans toute notre chambre à penser…* » Et si on négligeait la tache au plafond, acceptant qu'elle s'agrandisse ? Si on laissait agir en soi et malgré soi, au plus intime, humidité et porosité ?


* Jules Supervielle, Boire à la source. Confidences, Paris, Gallimard, 3e édition, 1951, p. 146.