Sous leurs
faux airs de fête, les petits marchés qui se massent entre la brique et le
bitume, la plupart mal achalandés, contiennent sans le savoir une
philosophie de la vie ordinaire.
Il y flotte
trop souvent des odeurs sans mémoire. Et si l’on s’habitue vite à la rumeur, on garde le sentiment d’une froide effervescence. Ce samedi-là, c’est le gros tapage ; la promesse de faire de rares découvertes. Trois
heures plus tard, la place est à ce point déserte, hygiéniquement restituée au
public par les services municipaux qui patientent depuis le matin, qu’on se
demande si l’événement a bien eu lieu.
Entre les
grappes de vinyles, l’estampille « biologique » qui orne fièrement trois
groins de cochon, les brouettes où s’entasse la littérature populaire et la
foire aux gadgets périmés, l’intensité n’y est plus. La merveille faisant défaut, l’œil
glisse plutôt, mécanique et imperturbable, farouche ou indécis. Et tout compte
fait, l’objet à vendre y a moins de valeur que le périmètre imaginaire des
corps, celui qui s’installe entre les convoiteurs sceptiques, les étalages douteux et les
bonimenteurs d'occasion.
À quelle
distance le simple passant doit-il se tenir s’il veut ne pas paraître
intéressé ? Un pas de trop, et le voilà condamné à sourire et à causer (il
y rechigne, bien entendu), à endurer d’intermimables vanteries.
