Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 24 janvier 2021

N... ET B.... : L'ODIEUX ALPHABET

    Les questions ne cessent de se croiser, les lignes deviennent mouvantes. Le débat est fort loin d’être clos. D’abord la parole étudiante, côté Délit quotidien maison (article de Rafael Miró). Il importe d’y relever quelques fragments idéologiques, marqueurs du discours social actuel : « Je ne vais pas remettre en question le droit de chaque personne à s’exprimer dans les médias », affirme-t-iel, « mais ces professeur.e.s sont, au final, des employé.e.s de McGill. Je crois qu’il est parfaitement normal pour un employeur de s’intéresser à ce que ses employé.e.s disent sur la place publique, particulièrement lorsque cela rend mal à l’aise leurs client.e.s, dans ce cas-ci les étudiant.e.s, à recevoir des services. » (Brooklyn Frizzle, SSMU). Il est piquant de voir des représentants de l’ultra-gauche se qualifier eux-mêmes de « client.e.s », adhérant de la sorte à une conception néolibérale de l’université et au consumérisme éducationnel ; plus plaisant encore d’en appeler aux bonnes vieilles méthodes du monde entrepreneurial selon une logique verticalisée employeur/employé.e.s, dès que les points de vue, librement exprimés dans l’espace public ainsi que l’autorise le pluralisme démocratique, dépassent d’un cheveu. On ne saurait mieux énoncer la nostalgie des répressions et des petits dictatures – celles auxquelles symétriquement, et sur un mode non moins clientéliste, répond l’esprit gestionnaire qui prétend piloter les établissements d’enseignement et de savoir. De l’autre, la multiplication des cas de l’autre côté, passé la frontière, par exemple à l’école de droit de l’Université de l’Illinois, la suspension du Pr. Jason Killborn sur des bases non moins absurdes, par le décanat – comme toujours : « Last semester, Kilborn gave an examination in “Civil Procedure II.” One of the test’s 50 questions offered a hypothetical in which a company, sued for discrimination, had obtained evidence that damaged its own defense. The question was whether the company must disclose that evidence to the plaintiff if requested — an ordinary question of law, entirely appropriate for an exam. In the scenario described on the exam, a former employee told the company’s lawyer “that she quit her job at Employer after she attended a meeting in which other managers expressed their anger at Plaintiff, calling her a “n____” and “b____” (profane expressions for African Americans and women) and vowed to get rid of her.” The exam did not spell out those words, which appeared exactly as you just read them. (The answer, by the way, is yes: The company must disclose the information if it is asked for probative evidence.) Kilborn has used the same question for years, but this time it provoked an uproar. One student declared that on seeing the sentence, she became “incredibly upset” and experienced “heart palpitations.” The Black Law Students Association went to the law-school dean and to the central administration, demanding that Kilborn be stripped of his committee assignments. It denounced him on Instagram, LinkedIn, and Twitter, and filed a complaint with UIC’s Office for Access and Equity. » (https://www.chronicle.com/article/is-this-law-professor-really-a-homicidal-threat  The Chronicle of Higher Education). Même expédition punitive. Même technique de dénonciation par les réseaux sociaux. Même appel à la sensibilité (encore que dans ce cas je suggère l’usage de tensiomètres à l’entrée des salles d’examen) et aux droits. Même confusion sinon plus aggravée : le mot réduit à son initiale n’est plus même acceptable ! Même servilité de l’administration, vérifiant le rôle que les sociologues Campbell et Manning lui prêtent dans l’implantation et l’extension de cette culture moraliste, victimaire et autoritaire.