Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 11 avril 2019

INTRIGUE

Il me vient à titre rétrospectif quelques éléments de réflexion, dispersés, au cours de cette relecture précisément concernant la méthodologie de la question (de cela même qui se fabrique comme assertait Deleuze ; ici la phrase continuée) et la manière de la négocier au long d’un livre. Serait-il possible de l’envisager, et de l’écrire, à la manière d’une intrigue de nature épistémologique ? Non pas tant pour avoir recours en soi à un modèle temporel ou narratif (mise en intrigue = Ricoeur). Il y a bien entendu dans l’historicité d’une question des genèses et des généalogies ; et aussi : l’événement ou les événements de son ou ses apparitions, continues-discontinues ; les chaînes et les séries de causalité ; les conditions qui en rendent tout à coup l’émergence possible ; comment surtout elle se repère discursivement dans la masse circulante, devient perceptible, ses signaux, ses configurations, ses procédés chaque fois singuliers ; et des modes d’émergence qui peuvent être variables : la querelle, le malentendu (aspect qui me taquine depuis longtemps), le consensus, la polémique, etc. ; puis, la logique de la question proprement dite – logique au sens des ressorts et des motivations, par les présupposés et les savoirs qu’elle mobilise comme autant de champs discursifs, et corrélativement le travail d’inconnaissance qu’elle commence, ou met en œuvre à proportion, c’est-à-dire à mesure qu’elle se construit – la question engendre des questions ou des sous-questions qui n’adviennent très souvent qu’assez tard, furtivement ou clairement, mais après coup ; la dialogique encore par les opérations critiques – argumentation et contre-argumentation – auxquelles elle incite ; les personnages également : des noms auteurs-œuvres aux propositions théoriques et à l’appareil des concepts ; et pour finir une intrigue réussie, c’est-à-dire une intrigue qui viserait moins l’adhésion que sa cohérence intérieure, ou parierait l’efficacité sur la cohérence démonstrative. Ce ne serait pas une intrigue actuelle ou actualisée – de celle qui se tient au présent du contemporain, aux fins d’y répondre, mais de celle qui a trait à une dynamique du discernement, en triant d’abord la littérature de résultats qui entourent la question jusqu’à l’altérer ou l’occulter et la littérature de problèmes qui l’éclairent et la déplacent au contraire. C’est le défi majeur de la lecture dans sa capacité à identifier et à évaluer.