Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 14 février 2019

L'APPARAÎTRE

Foucault. Les mots et les choses. Nouvelle traversée. Combien magnifique prosateur. À chaque fois ce même effet. La ponctuation et cette manie très philosophique du point-virgule, le discontinu et l’enchaînement propositionnels ou simplement l’acte d’énoncer des objets du discours. La perplexité que suscite néanmoins la mise en scène inaugurale autour de Vélasquez entre visible et invisible (le livre du même nom, sous la signature posthume de Merleau-Ponty, a paru deux ans avant) : les fonctions regardantes, la représentation ou représentation de représentation à force de lignes, plans, pointillés et autres triangles, qui évacuent d’autant – n’étaient quelques mentions sur la lumière – la touche comme le coloris par exemple. Et tandis que l’auteur met en soupçon au profit de « désignations flottantes » (Gallimard, 1966, p. 24) ces utiles repères que seraient les noms propres – la logique de l’identité, établie dans la tradition : le roi Philippe IV et Marianna son épouse, doña Maria Augusta Sarmiente, etc., pour emprunter un « langage gris, anonyme, toujours méticuleux et répétitif », actant l’irréductibilité sinon l’incompatibilité du dire et du voir, et pour se replacer entre eux « dans l’infini de la tâche », ce n’est jamais cependant qu’à condition de « feindre de ne pas savoir qui se reflétera au fond de la glace » (p. 25) et quels sont ces personnages qui nous regardent. Mais précisément il est impossible de ne pas savoir au sens où dans ce savoir de la peinture le voir est déjà informé et informé par un dire – appartînt-il ou non à la tradition. S’il convient « d’interroger ce reflet » et le dispositif spéculaire du tableau, c’est en empruntant un code résolument dénominatif et descriptif, qui installe le lieu commun du questionnement herméneutique – la récurrence des modalisateurs, et dès les toutes premières lignes, « peut-être », « il se peut », « sans doute » (p. 19), etc., y construisent une fiction de l’apparaître – le spectacle comme événement et découverte, en cela conforme à bien des protocoles phénoménologiques.