Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 7 février 2019

CASCADES

Cette prosodie est à mettre en rapport avec « la diction » ou « million de gouttes d’eau » (p. 207) par lequel se trouve décrit les blocs d’alexandrins de La Légende des siècles. C’est l’analogie avec le cirque de Gavarnie, qui ouvre sur la « monumentalité du livre » (p. 238), en écho au chapitre « Ceci tuera cela » nouant architecture et imprimerie dans Notre-Dame de Paris. Impossible de ne pas songer aux chutes américaines, les pages sur Hugo suivant de peu l’essai sur « Chateaubriand et l’ancienne Amérique ». De Niagara à Gavarnie, « c’est la goutte d’eau qui tombe d’assise en assise, de page en page, de ligne en ligne, la goutte d’eau qui parfois se répand en nappe, la goutte d’encre en tache, la pluie de mots en noms monstres » (p. 206). Ou encore suivant le « dynamisme vertical de la colonne » les pages des poèmes de Hugo sont donc « littéralement des cascades de mots, les lignes de gradins sur lesquels l’eau de la parole se précipite, s’étalant parfois en flaques horizontales, mais en général dégringolant avec des secousses. Le vers est une goutte d’eau qui érode. » (p. 205). Littéralement ne qualifie rien d’autre qu’un travail de surmétaphorisation – et trope d’une œuvre pour l’autre – des « petites épopées » hugoliennes aux études américaines. Le million de gouttes d’eau autorise à première vue des associations attendues ou conventionnelles : saisi dans l’optique des 6 810 000 litres d’eau par seconde par exemple il désigne néanmoins le régime du continu ; il articule surtout l’individuel minuscule – car il y a à côté de l’immensité de l’Amérique (oversize) une américanité minuscule ou si l’on veut une épopée du détail comme les pois colorés des chemises des conducteurs filant sur les highways de Mobile– à ce que Butor appelle « l’innombrable » (p. 230). Pareillement, il y a des personnages ou des « hommes-gouttes » (p. 210) qui creusent chez Hugo, « le creuseur par excellence » (p. 211) étant le poète.