Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 11 mai 2017

LE PETIT CONCEPT


L’humble puissance de vue de Deleuze, à la clarté elle aussi inépuisable. Cette phrase que je me répète souvent issue de Pourparlers : « Il arrive parfois aussi qu’un “petit” concept ait une grande résonance » (Éditions de Minuit, 2003 [1990], p. 123). Il me semble – entre autres – que tout le travail de la poétique prend cette dimension : rythme, voix, phrasé, manière, etc. La marginalité (discursive, théorique, institutionnelle), et les malentendus qui entourent la réception de ce corps de propositions, n’est jamais qu’un effet. Il convient d’apprendre à vivre avec, dans la grisaille des jours universitaires, notamment. Aussi : que les petits concepts s’opposent aux « gros concepts » à dualismes, que Deleuze dénonce spécialement dans son champ chez les « Nouveaux philosophes », avec leur particularité marketing (autre débat). Et puis : les petits concepts sont comme les grains de sable – ou le scrupulus des Latins – au sein des agencements épistémologiques, des territorialités politiques par lesquelles ils se traduisent, pouvoirs, dominations et mises au silence. Les petits concepts, ça grippe et ça coince les machines du sens. Mais ça fait penser. Enfin : d’où peut naître un petit concept ? Il n’a peut-être pas de régularité observable. Mais d’expérience – il se prend aussi bien et plus, et avec une force incomparable (levier critique – déplacement / dégagement), chez les artistes et les écrivains que parmi les scolastiques et les savants – ou pire (versant cauchemardesque, très actuel) : les techniciens de la pensée, les experts, etc. Un petit concept fabrique des espèces de savoirs mineurs – des savoirs en devenir, qui procèdent davantage du « désavoir » (Claire Joubert), du « je-ne-sais-quoi » (Gérard Dessons), de « l’inconnaissance » (Roland Barthes), de « l’inconnu » (Henri Meschonnic). Peut-être là-dessus – le petit concept – que je tramerai la fin du livre en cours. À suivre.