Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 2 novembre 2021

MOT

     Les débats autour des mots sont simultanément révélateurs des pensées du langage et de la société, et le transfert qui, en quelques mois, s’est opéré des questions universitaires au courant « woke », célébré ou démonisé, n’y échappe pas. Notoirement ici les deux articles de Gabriel Martin portant sur l’acception du terme et sa traduction  en langue française (gauchisme radical, éveillisme, identitarisme, diversitarisme, minoritarisme, etc.). La conversion neutraliserait probablement la filiation philologique « woke » et « awakening », qui n’est pas davantage relevée. Sans parler de la néologisation, et des mécanismes associatifs, qui vont bon train : unwoke, wokester (= a woke person), hyper-wokester, proto-woke, anti-woke, wokeness, wokism, wokeperson, wokify, (hyper-) wokification, il m’en manque très certainement. Ce qui est intéressant dans le débat public, c’est d’entendre (spécialement à gauche) les accusations portées envers la droite contre la politisation et l’instrumentalisation de ce mot – comme s’il était naturellement et unanimement accepté du côté des progressistes, ce qui est fort loin d’être le cas. Le plus notable réside encore dans les tentatives d’évitement tant le mot serait galvaudé et péjorativement chargé. De nouveau : la logique des amalgames – comme s’il n’était pas possible de penser par le multiple et la nuance les signes, les usages, les valeurs. Il reste qu’on ne se débarrasse pas des mots, encore moins des enjeux dont ils sont porteurs – qu’il est impératif à l’inverse d’interroger. Et s’il y a un mot à malentendus, c’est bien celui-là, et j’use à dessein du pluriel.