Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 2 août 2021

YANN FRÉMY

      C’était sur le départ. On ignorait tout. Le 5 juillet. « Assez vu. Assez eu. Assez connu. » Mais celui-ci est tristement définitif. 49 ans, c’est si peu. Cette nouvelle est un soleil froid sur l’été, tant elle est violente et inattendue. L’habitude s’est imposée à moi de dialoguer et négocier avec les morts – et parmi les plus proches. Et cela s’achève trop tôt, d’une manière en tous points imprévue. Une trajectoire injustement brisée. Le souvenir me revient, c’était en 2003, je venais de soutenir ma thèse de doctorat (presque vingt ans), de cette conversation au téléphone, et de cette phrase si juste – mémorable : « On ne pourra renouveler la lecture de Verlaine que si on renouvelle l’approche théorique elle-même ». Le début d’une amitié donc. On allait pouvoir partager. L’immense colère au moment des attentats de Charlie Hebdo. La générosité intellectuelle – ne regarder ni à la dépense ni à l’énergie. Le sens du débat. Le regard philosophique aussi. Au moment de boucler chaque numéro de la Revue Verlaine, dans la panique et la fatigue, les plaisanteries graveleuses, obscènes, zutistes pour le dire, car on ne peut travailler sur Rimbaud, Verlaine, cette pléiade d’écrivains maudits et marginaux qui ont fait la modernité du XIXe siècle et au-delà, que si l’on est d’abord zutiste dans l’âme – et c’est bien à cette condition que lecteurs, dandys, amateurs et savants nous nous reconnaissons entre nous – que nous nous reconnaissons ce goût si particulier de la poésie. Trop tard. Cet échange que je retrouve, il y a deux ans, au moment de préparer un énième numéro : « Y. Certificat de baptême de Verlaine si ça vous intéresse. Amitiés. – A. Putain, t’as eu ça où ? – Y. Dans une église, à Metz. » Adieu, donc.