Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 11 août 2021

DEUX MONDES

       Stillwater de Tom McCarthy. L’ironie du titre en plus d’être l’indice capital de la trame criminelle ; les scènes de bains et de rare bonheur dans la Méditerranée ; surtout le site de la diégèse, Marseille, bien que les plans panoramiques s’y trouvent finalement peu explorés. La ville apparaît davantage fragmentée comme les séquences – métonymiques – de l’Amérique et de l’Oklahoma. Sans doute la topique de l’Américain déphasé, lost in translation, incapable de maîtriser les codes culturels et symboliques de la société française, n’est-elle pas nouvelle au cinéma – quand elle est de surcroît attachée au genre du thriller ou du film noir (voir Frantic de Roman Polanski en 1988 par exemple). Et puis le bouclage entre la remarque anodine d’un ouvrier latino au début du film, « Americans don’t like change », et le dialogue du père et de la fille qui conclut sur la perception des différences. Au reste, le nœud tragique et silencieux du meurtre qui à la fois s’interpose entre eux et les unit, porte vers une philosophie ambiguë : « Life is brutal ». Il n’empêche que la satire et la critique s’exercent dans les deux sens, notoirement sur les préjugés et les stéréotypes des Français à l’égard de l’Américain, qui répond moins à l’homme riche tels que les personnages le fantasment d’abord qu’à un représentant quelconque de la classe populaire blanche, unemployed, précaire et privé d’avenir. Emblème de cette économie perdue : c’est dans le pétrole qu’il travaillait – l’insert nocturne sur les derricks qui pompent infatigablement les ressources de la terre. De même, Marseille, surchargée d’histoire et de lumière, s’y désigne-t-elle en priorité par les cités, l’abject dégradé des violences et des ségrégations urbaines, les petitesses racistes exacerbées. Entre la pauvreté et les clivages socio-ethniques : la rencontre des deux mondes s’opère peut-être à ce niveau, des États-Unis à la France. Et la première image en concentre la métaphore : celle de Bill Baker (Matt Damon) fouillant les décombres d’une maison d’un quartier entièrement dévasté par une récente tornade – et considérant d’un regard plein d’empathie un couple désespéré et silencieux – qui a tout perdu. Rappel à mon avis du Dust Bowl des années 30, et les tempêtes sont passées par l’Oklahoma, Steinbeck en mémoire et feuilletage visuel qui replacent l’intrigue dans lhistoire des crises sociales. Amorce politique (l’allusion à Trump, aux rednecks, aux guns, le poids de la religion, etc.)