Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 2 août 2021

STATUE OF SLAVERY

     Au menu des vanités politiques de ce temps, la statue de l’écossais James McGill vandalisée et peinturlurée d’un rouge presque révolutionnaire au début du mois de juillet. Et le parallèle va bon train avec la sculpture de James A. McDonald, déboulonnée en août 2020 à Montréal, entre autres à cause de son rôle historique dans l’impérialisme canadien et l’affaire des pensionnats. Cette autre figure, qui vous salue de son couvre-chef depuis le pompeux portique Roddick et la rue Sherbrooke jusqu’au Pavillon des Arts (son ancienne résidence) eut des esclaves noirs et autochtones. Rien que nous ne sachions déjà. Mais on est dans le sillage des démantèlements symboliques et institutionnels. Au reste, plusieurs tentatives de vandalisme ont déjà eu lieu, de même qu’ont circulé des pétitions de militants exigeant que soit « removed » de manière définitive la statue du fondateur de la première université au pays : « N’importe quel arbre serait plus beau que James McGill ». Ce qui est intéressant, c’est pour y répondre le communiqué officiel de l’université, en date du 09 juillet, relayé par ailleurs dans la presse et les médias audiovisuels : « As some of you may be aware, the sculpture of James McGill on lower campus was vandalized last weekend. While I recognize the right of every individual to express their views and opinions, I regret that in this case, the manner of expression damaged University property. » Il est pour le moins curieux que le geste de dégradation soit assimilé à une manière de s’exprimer – « views » et « opinions », dans un espace normalement dédié à la confrontation des discours, à la dynamique des échanges et des contradictions. Le regret au lieu de la condamnation, s’il est vrai que le retour de la sculpture n’est pas arrêté (une telle décision demanderait un peu de courage…) À rebours de la vision manichéenne et moralisatrice de l’histoire – qu’on voudrait récrire, – il est admis cependant que « the University has taken steps to recognize publicly the complexity of his life, both through our website and through a plaque that was recently installed next to the sculpture. » Au-delà du symbole, ce serait structurellement la (post)colonialité de l’institution d’enseignement et de savoir qu’il conviendrait en bonne logique de mettre en cause. Une institution qui matérialise pourtant le testament de James McGill et dote en vertu même de sa mission les étudiants et militants des instruments critiques qu’ils s’appliquent à retourner contre elle : « We know that James McGill’s personal history included different dimensions, some positive, others not so. It includes the bequest that made the University’s establishment possible. It also includes his ownership of enslaved persons. » Sur la base d’éléments simplistes, la réponse est invariablement idéologique, fondée sur la doctrine d’État et ses bureaucraties : « equity, diversity, and inclusion. » Aussitôt s’énonce la réduction du problème, du vandalisme symbolique et de l’activisme woke aux minorités ethniques et, parmi elles, à l’assimilation paradigmatique du Noir à l’opprimé : « As part of its Action Plan to Address Anti-Black Racism (“Action Plan”), the University is committed to exploring its historic record. This investigation will inform our decision about whether to keep the sculpture at its current site or relocate it. If it is determined that the sculpture would be better located elsewhere than on lower campus, the University will act accordingly. » On se demande bien en quoi explorer l’histoire de l’université – amplement détaillée en ce domaine – contribuerait ici à guider une prise de position rationnelle. Au cœur même de ce qui devrait constituer le lieu de la réflexion critique, on ne saurait quoi qu’il en soit mieux argumenter et justifier la culture du bannissement.