Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 5 août 2021

MANIÈRES/CULTURES

      Cela fait longtemps que je tourne autour de ce problème. C’est l’un des mots de la langue classique comme « mœurs », mais je me posais il y a deux ou trois ans explicitement la question de la postcolonialité du concept de « manières », de sa critique historico-culturelle. En lisant Delâge-Warren, sans surprise, je le rencontre à maintes reprises dans les relations des pères jésuites ; « manners » dans les corpus anglophones également. Cartier. Champlain : cette retraversée s’impose. Ainsi se coordonnent diverses roues de l’axe anthropologique où désormais s’inscrit la recherche sous l’espèce d’études et de séminaires. L’autre morceau, théorique-épistémologique, est l’enquête autour de De Certeau et Bourdieu. Lévi-Strauss. La tradition durkheimienne-maussienne et les sciences sociales. Un dernier élément, imprévu, concernant les liens « cultures et manières » est l’émergence du discours idéologique actuel : le vis-à-vis culture et « race ». Il semble impossible de l’ignorer. Certes, ce sera du feu de paille dans l’histoire de la pensée. Impossible de le nier : jusque dans ses niaiseries et ses intransigeances, le mouvement « woke » qui le porte à titre d’idéologie est en même temps fascinant. Et avec lui les courants décolonialistes et racialistes. Mais précisément : « race » est une réponse – faible et dangereuse de surcroît – à un problème qu’une théorie de la culture – et une anthropologie littéraire des manières –  doit pouvoir construire et, si besoin, à rebours de cette modélisation, vantée comme le dernier cri de la science.