Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 27 août 2020

ÉTAGÈRES

     Comme en rêve, avec quelle simplicité visuelle, car le malade ou celui qui se déclare, ou plutôt se croit tel est d’abord oisif et se livre à de futiles passe-temps, reconstituer mentalement la bibliothèque de la mère comme en cercle autour de soi. Des piles où se sont d’abord réfugiées les frustrations de sa propre enfance, celles d’en avoir tout simplement manqué en milieu ouvrier, à part les prix d’excellence gagnés grâce aux résultats scolaires, encore offerts cependant par la IVe République. S’y immisce certes toute une sociologie. Mais également un rapport à la culture et aux « valeurs » qu’elle porte (ou qu’on lui attribue), du moins à une certaine idée de la culture, que je ne vois plus guère à l’œuvre actuellement. Ou moins (sans vouloir désespérer absolument). De tous ces ouvrages accumulés ou rangés, c’est la bibliothèque de l’étranger ou de lailleurs qui me retient le plus – la mère ne cessant de répéter qu’elle était fâchée avec Pascal et Montaigne, et finalement avec tous les classiques français (et longtemps je la crus volontiers avant de découvrir – ébahi – dans un sentiment d’injustice mêlé d’incompréhension – ces mêmes auteurs), sans même évoquer son rejet épileptique des littératures par trop expérimentales – des noms, venus d’ailleurs qui ont fait le familier de mes vertes années à mon tour (avant de devenir plus tard moi-même obstinément francisant…) : Gabriel Garcia Marquez, Carlos Fuentes, Milan Kundera, John Irving, William Styron, Tahar Ben Jelloun, Maryse Condé, etc.