En l’état, j’éprouve les dernières lumières d’août, au moment où les chaleurs vacillent voire s’abattent, laissant déjà flotter dans l’air un avant-goût d’automne. Ces rares journées, aux couleurs précaires, se signalent parmi les plus douces, les plus jouissives. En attendant, j’ai quitté en esprit la plaine et gravi La Montagne magique. Cette microsociété de tuberculeux, à la fois pathétique et dérisoire, isolée dans les hauteurs d’un sanatorium suisse, vient comme à propos, avec toute la charge ironique de Thomas Mann : « C’est vrai que c’est une surprise pour moi d’apprendre que je suis un peu malade, il faut que je m’habitue d’abord à me sentir ici comme un pensionnaire en traitement, et vraiment comme l’un des vôtres, au lieu de n’être, comme j’en avais l’impression jusqu’à présent, qu’un invité. […] Quoi qu’il en soit, me voilà depuis hier à me demander dans quelles dispositions profondes j’étais à l’égard de tout, de la vie, tu comprends, et de ses exigences. » (Romans et nouvelles, t. II, La Pochothèque, 1995, p. 802). L’événement de se reconnaître malade, qu’est-ce que cela veut dire ? qu’est-ce que cela fait ?