Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 15 novembre 2017

ZONE ÉMOTIVE

Il y a quelque chose d’intriguant à sonder, même à titre fragmentaire, la réception chez les linguistes du Baudelaire : la manière en particulier dont s’y trouve saisi le plan de l’évocation distinct du plan de la signification. L’époque et ses savoirs s’y lisent, tout particulièrement à travers la promotion des approches cognitives. Il est vrai que l’accent est mis régulièrement dans les notes manuscrites elles-mêmes sur la « zone émotive » des textes ; tout en s’enracinant dans un des plus anciens lieux communs sur la poésie, dont Benveniste a par ailleurs du mal à se délester. À voir comment il l’appréhende sous l’espèce de concepts tentés « iconisant », « iconisé », « évoquant », « évoqué », on en oublierait presque le corpus qu’il a sélectionné, un poète dont les positions théoriques au cours des années 1850 entre précisément en débat sinon en lutte polémique avec le statut de l’émotion et du vécu en régime littéraire. Ce n’est pas le caractère inabouti ou instable des catégories qui importe, elles visent à rendre compte du fait que le signe poétique est définitivement décroché de l’acception saussurienne ; c’est un versant daté dans son incomplétude, à moins de le prendre par la « sorcellerie évocatoire », la lignée symboliste et les nombreux parallèles ou comparaisons avec Mallarmé.