Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 3 novembre 2017

LE LIVRE OUVERT


Le livre ouvert, donc : s’y trouve pleinement impliquée en premier lieu la double catégorie de la dispositio et de la compositio – l’arrangement pour reprendre un mot à signature auctoriale ; la division de la pensée par articles, généralistes ou épistémologiques, descriptifs et techniques, les effets de discontinuité, la cohésion inverse qui se trame progressivement – qui se découvre. Mais l’ouvert est surtout un marqueur de la théorie comme écriture, la proposition comme énonciation, le concept assuré, ou proportionnellement tentative et expérimental quand nécessaire, les lignes de reprises et de reformulations, les déplacements indistincts (qui manifestent en retour le temps de la pensée – voir la datation entre autres des articles). Le plus important est encore le travail de l’ensemble sur lui-même – la « clarté inépuisable » qu’y repérait Barthes tient sans doute à ce que le lecteur est dans l’obligation de construire au cœur de cette discontinuité voulue, en investissant les interruptions et les implications, les corrélations, les appels, les silences, les coordinations qu’il doit repérer et agir comme – exemple simple – les développements sur la subjectivité par l’énonciation et la catégorie de l’expérience, abordée plutôt sur l’axe du temps (physique, chronique, linguistique), etc. Ce n’est pas forcément à l’endroit voulu que le concept est tenu ou que la proposition se trouve completed et s’éclaire tout à coup. La clarté tient à l’économie serrée de Benveniste. L’écriture du problème est tout sauf expansive ; pour autant, elle n’est pas synonyme de sécheresse, moins encore de manque. La démonstration relève délibérément du non finito. Elle est gouvernée par une logique de la coopération, elle ensemence des virtualités, les indique, et produit des continuations en devenir. C’est ce qui rend les deux volumes si inspirants (au sens anglais et français du terme).