Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 10 novembre 2017

GENRE

Cette remarque qui pointe un des héritages de Benveniste : « La notion de poéticité (ou de poétique, au masculin), […] me semble tellement chargée de débats sur sa nature et son rapport au méta-genre de la poésie, tellement datée, que je préfère éviter le terme » – et tente de valoriser une « approche graduelle et multi-critériée » (A. Rabatel dans Émile Benveniste, vers une poétique générale, PUPPA, 2015, p. 115). L’observation est incontestable, la position qui s’en dégage est déjà plus discutable. Car si le terme peut être effectivement source d’amalgames, on ne saurait non plus contourner de tels débats. Au lieu de reverser le dossier au « passé » – et il y a eu des versions concurrentes et successives de la « poétique » – on peut s’installer dans ce champ notionnel et se mesurer aux enjeux et aux problèmes qu’il pose spécialement. Sans doute le néologisme « poéticité » sous couvert de « spécificité » n’exclut-il pas des perspectives essentialistes, et on peut lui opposer le point de vue par l’historicité. En outre, « le » poétique n’est pas non plus « la » poétique : ce qu’elle désigne est beaucoup plus labile et instable. Mais la prudence méthodologique et conceptuelle s’entoure ici de présupposés qui ne sont pas même inquiétés : est-ce que l’objet véritable de la réflexion doit être la poésie ? L’idée de « genre » et « méta-genre » active encore une histoire classificatoire qui appartient à la rhétorique. D’où la discussion s’en suivant autour de la filiation post-jakobsonienne et de la fonction poétique (v. Dominicy), qui a peu à voir avec les propositions théoriques qu’on peut tirer de Benveniste. Le Baudelaire s’en rapproche avec ses ambiguïtés, celles de l’époque autour de la « langue poétique », le versant qui me semble le moins intéressant. Quant à l’approche graduelle et multi-critériée, si elle paraît plus modeste et plus sage, elle représente aussi une stratégie de refuge – elle met au jour combien la double entrée par la poésie et le genre est une mauvaise question ; elle marque très précisément la butée de l’empirique : « La poésie est diverse et il est difficile de trouver des critères génériques qui la caractérisent toute et qui ne valent que pour les textes poétiques » (ibid., p. 113).