Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 21 novembre 2023

PRÉSENTISME

    C’est là qu’intervient la controverse. Si elle n’épargne rien ni personne, la satire d’Arcand a pu pour cette raison même être disqualifiée comme réfractaire à la nouveauté, sinon dépassée voire réactionnaire. Il y a du Christian Rioux ou du François Ricard chez Arcand, certainement. Mais cela revient à solder l’éclairage souvent singulier que donnent ceux qui raisonnent à contre-temps de leur société, et à proportion de leur attachement affectif à ce qui est perdu. Une telle critique est donc inadéquate. Elle relève surtout du contresens. Car ce que visent et l’archiviste et l’artiste de manière plus large est la société du présentisme (et non le wokisme qui n’en est à leurs yeux qu’une émanation). À rebours, Testament, et c’est l’une des valeurs du titre, propose une lecture posthume de l’époque. D’où la scène finale, située avec humour en 2046 à Montréal, en un temps où les personnages déjà âgés dans la fiction ne devraient plus être de ce monde : une équipe d’experts exhument la fresque, et le visage d’un Autochtone sous les couches de peinture qui l’avaient longtemps masqué, en un geste qui tient à la fois de la fouille archéologique et de la restauration d’œuvres d’art. Au reste, le héros qui semble narcissiquement obsédé par sa fin (« mon dernier soupir sera discret ») est aussi celui qui resoude entre elles des générations qui ne se parlent plus, Suzanne dont il est amoureux et sa fille, devenue mère de famille elle aussi. Il finit par s’intéresser à la cause environnementaliste au nom d’un petit-fils qui n’est pas même le sien. L’archiviste unit le passé et l’avenir parce qu’il a le souci de la continuité et de la transmission. Ça se pourrait que le film soit plus complexe que prévu...