Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 2 août 2023

TRAVERSÉES

     Heinich – prise 2. D’autres points à soulever en plus des saillies polémiques : le côté vieille dame à qui on ne l’a fait pas, celle qui a roulé sa bosse et apostrophe de haut les jeunes chercheurs ; un lieu commun des controverses qui associe l’émergence woke à des considérations générationnelles, ce qui ne se vérifie pas. Comme le coup lyrico-politique de Cusset « Debout la jeunesse du monde ». Laquelle, mon bonhomme ? De qui on parle ? Le raccourci intellectuel le plus problématique est celui qui va de l’identitarisme au communautarisme et au multiculturalisme. Et le communautarisme c’est vraiment une obsession du débat français, lié au décrochage du modèle républicain, encore récemment avec les révoltes et répressions urbaines du début de l’été. Alors que la question concerne bien davantage le rapport entre la gauche identitaire et l’individualisme néolibéral. Détail : dans l’emphase portée sur l’universalisme et le mythe républicain assimilationniste (contre le multiculturalisme qui serait séparatiste – ce qui me semble relever du fantasme et n’est jamais démontré ; le plus drôle, c’est que la version canadienne du multiculturalisme voit le séparatisme ailleurs : dans le nationalisme québécois par exemple…) – jobserve au passage qu’une part de ce discours est tenu par des auteurs Heinich – Taguieff – Szlamowicz de culture voire de confession juives – et on peut se demander s'il ne prend pas aussi par sensibilité dans l’histoire des communautés juives et de leurs rapports intégrationnistes à la nation depuis la Révolution française. D’autres cibles manquées dans le livre : la question des EDI est mal mesurée alors qu’elle est centrale ; de même pour la composante religieuse, alors qu’elle se trame depuis la théologie des réveils et le récit racial du XIXe siècle jusqu’aux protestantes de l’écriture inclusive des années 70-80 ; enfin, cet élément qui se clarifie de plus en plus : sous le terme woke, on ne désigne pas uniquement la gauche dite radicale, mais un nouveau paradigme progressiste, qui s’est déployé dans l’espace médiatique, politique, culturel, aussi bien que les forces du marché et certaines formes du capitalisme, occupant des positions beaucoup plus centristes et centrales que prévu. Des positions de pouvoir aptes à convertir la prise de parole en langage. En regard, une déclaration essentielle du livre : sur ce terrain, mais pas pour les raisons avancées au nom du pseudo-argument antitotalitaire, la bataille se gagne à gauche, et non à droite.