Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 28 août 2023

NATIONAL, SOCIAL, RACIAL

   Autre livre fort, avec mes contretemps et mes retards. Éric Martin, Un pays en commun (Écosociété, 2017). Comme philosophie politique – des plus classiques on ne peut se tromper, acteur et fondateur du courant Québec solidaire. Reprendre à la droite son bien : le peuple – la nation ; l’enracinement culturel non comme terroir mais résistance aux impérialismes anglo-américains (quid cependant de la leçon deleuzienne ?) ; un « socialisme d’ici » dans la veine de Fernand Dumont, et d’une tradition Révolution tranquille, y compris sur les références anticoloniales qui tournent explicitement le dos à la gauche postmoderne et à ses impasses. Renouage avec Parti pris. Lici déixis du socialisme, je le prends de la sorte, lici-historicité. L’essai de réarticulation entre le social et le national, qu’il importe d’autant plus de souligner que dans le récit actuel s’affrontent explicitement le racial (le progressisme ethnodifférentialiste, de source très anglo-canadienne par ailleurs ; combinable au tournant woke d’une partie de la gauche états-unienne et de la gauche fédéraliste de ce côté-ci) et le national (le conservatisme ethnique canadien-français – Bock-Côté, Rioux et cie). Cette double version (de plus en plus essentialisée), raciale et nationale, a une faiblesse commune : l’historicité du social et des cultures très précisément. Sur ce versant, une des failles du livre est de ne pas mettre en débat le bloc postcolonial-décolonial, qui ne ressortit pas au même paradigme anticolonial Fanon-Memmi des années Parti pris. Et les lignes se sont beaucoup accusées depuis 2017. Mais là encore, comment penser un « pays en commun » et ses trois solitudes, anglaise, française et autochtone sans une théorie des langues et des cultures ?