Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 27 janvier 2023

GENS DE CULTURE

  Klemperer. « Comment a-t-il été possible que des hommes cultivés commettent une telle trahison envers la culture, la civilisation, toute l’humanité ? » (LTI, p. 341). Claude Simon et la bibliothèque de Leipzig. Plus loin, la typologie non des brutes sanguinaires mais des gens de culture au service des pires causes : « … je vois surtout la foule des hommes de lettres, des poètes, des journalistes, la foule des universitaires. Trahison, où que se porte le regard. » (id.) Le seul mode alors du philologue dans son carnet, c’est la liberté intérieure, et elle peut lui coûter la vie à chaque instant. Ce qui se voit aujourd’hui dans le cadre des démocraties dites libérales et leurs novlangues, ce sont autant d’universitaires, de poètes et hommes de lettres qui se font faiseurs d’opinion en pratiquant la « langue de la croyance » (p. 343). Il arrive qu’on se dise que l’on fait un mauvais rêve, et qu’on a tort sur toute la ligne, qu’on est à contretemps et à la marge, improductif. Il serait plus simple de se diluer dans le grand courant et de s’y oublier. Ce serait plus vivable aussi, en fait d’énergie et de santé. Mais : à quoi ça sert de penser ? Le défi est toujours de parvenir à faire de la langue de la croyance un objet, de le questionner en le mettant à distance. Mais la langue de la croyance, ça ne se parle pas seulement. Cela se respire. On en ressort soi-même changé au quotidien.