Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 11 juin 2022

FAIT SOCIAL TOTAL

       Thomas Piketty, Mesurer le racisme vaincre les discriminations (Seuil, coll. « Libelle », 2022). On peut être en désaccord ou non avec l’appel à « inventer un nouveau modèle français et européen, transnational et universaliste » (p. 12) s’il est vrai que la tendance des chercheurs français consiste trop souvent à penser que les choses hexagonales sont nécessairement universelles, ou que ce qui se passe sur leur territoire se vérifie ailleurs (en ignorant superbement ou mésinterprétant alors cet ailleurs). Il reste que dans le cas de Piketty la pensée est au contraire adossée aux précautions comparatistes, propose une méthodologie, se dote d’instruments concrets de mesures. Loin des spéculations idéologiques, au lieu du dogme sur le « racisme systémique » par exemple, le racisme pris comme « fait social total ». Dans un contexte où sont privilégiés les faits, Piketty réinscrit la justice raciale dans la justice socioéconomique, seul moyen de lutter réellement contre les discriminations, à rebours du paradigme culturel. Pour cette raison que les catégorisations raciales et les catégorisations sociales sont historiquement liées ; que ces divisions socio-raciales ne se séparent pas à leur tour des écarts de statuts et de richesses.