Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 7 décembre 2021

SMUGNESS

   De loin, l’un des lieux communs qui résonne le plus, et des plus troublants aussi, cette attitude « smug » à souhait qui consiste, en plus de la certitude vertueuse, à vouloir éduquer l’autre – parce que l’on possède soi-même, la raison, la culture, les lumières, et qu’il importe d’y soumettre ceux qui sont dans l’ombre. Cette smugness est l’expression de ce qu’on appelait autrefois une conscience de classe. Elle s’entend beaucoup dans les sphères du pouvoir, dans les ateliers de formation diversitaire, les logiciels de rééducation woke en milieu entrepreneurial. Elle est inséparable des classes dirigeantes et manifeste un vieux conservatisme social : éclairer le peuple, les masses. Mais le lieu commun s’est beaucoup déplié, notamment à l’occasion des élections fédérales, à l’adresse des francophones et des Québécois venant du Canada anglais. L’axe culturel double en quelque sorte l’axe social. C’est l’un des symptômes de l’évolution en particulier des gauches, et notamment du paradigme identitaire, que repère très bien Michel Roche, et qui est inséparable dans sa genèse de la stratification éducative : le mépris et le racisme de classe exercés par la gauche culturelle, à rebours des affects populaires, qui prend la forme d’un « néo-libéralisme progressiste » (Nancy Fraser). Voir son texte : « La gauche identitaire dans les eaux côtières du mépris de classe » (Identité, « race », liberté d’expression, déjà cité, p. 187-204).