Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 25 mars 2019

POURRISSEMENT

Des années 93-95, il y a cette intensité, ce resserrement tragique bien sûr sur soi, sur le corps avec ce « sentiment » qu’il est « en train de pourrir, de se défaire sur lui-même » (28 juillet 1993, t. II, 217) et le Journal détaille de manière obsédante cette fatalité de la maladie. Fièvres, perfusions, vomissements, les moindres déficiences immunitaires, les pertes de poids, etc. La nosographie y occupe le quotidien jusqu’à se confondre avec lui. En même temps, il y a cette résistance – non seulement la survie comme a contrario les pulsions suicidaires – le travail de lucidité sur soi et sur son œuvre (notion si problématique, dont l’existence est difficile à admettre pour JLL) – mais lucidité que « le Sida n’est pas un sujet » et puis « surtout, surtout, mon Dieu, a priori ne m’intéresse pas, intimement » (ibid., 20 juin 1994, p. 393) – mais littérairement et dramatiquement aussi et d’abord.