Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 7 mars 2019

GRAMMAIRE DU RÉEL (II)

Ce qui est symptomatique pour décrire le pli opéré par Degrés puis Mobile, c’est le non-renoncement à la catégorie de phrase – et celle qui l’accompagne, la catégorie de grammaire qui se trouve étendue à la physique du livre, des « organisations très serrées d’éléments assez nombreux » (Entretiens, t. II, p. 154). De la grammaire de phrase à la grammaire de récit (matrice ou machine épistémologique des années 60, Barthes, Todorov, Greimas, Genette, etc.) jusqu’à la grammaire visuelle-typographique. Cette grammaire fabrique en vérité des espèces de phrases dont l’unité est encore à penser. Mais c’est ce qui explique que Butor puisse parler en débordant la métaphore elle-même de cette « grande phrase que sont les quatre romans » (p. 148) et, à l’inverse, pour Mobile d’une « seule phrase sans commencement ni fin » (p. 155) dans la tradition mallarméenne. S’il est vrai pour terminer que l’expérience américaine a conduit l’auteur « à une transformation de [s]a “grammaire” » (p. 151) – la modalisation des guillemets démarquant à la fois l’impropriété et la nécessité de ce terme.