Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 29 mars 2019

LES RÉGIONS CACHÉES

Parcours détaillé du volume Butor et l’Amérique, collection d’études réunies en 1998 par Mireille Calle-Gruber chez L’Harmattan à la suite du colloque qui s’était tenu deux ans plus tôt à Queen’s University (Ontario) ; attention aux présupposés sémiologiques communs aux études, de l’herméneutique à l’esthétique. Plus intéressant, l’intervention de l’auteur lui-même : « Où les Amériques commencent à faire histoire » (p. 249-260). Faire histoire. Le point de départ des voyages du XIXesiècle vers l’Orient et l’Occident – et Chateaubriand unit les deux ; le « renversement d’influence » culturelle (p. 251), l’initiation parisienne des écrivains américains (Gertrude Stein, Hemingway, etc.), l’initiation américaine – souvent newyorkaise – des écrivains et des intellectuels français. Récit en miroir des continents depuis longtemps balisé. La place de Butor dans la trame d’après-guerre et la découverte des États-Unis en 1960. Plus important, le pluriel insistant et revendiqué des Amérique-et la dissociation entre le nom d’USA et l’idée même d’Amérique, pluriel qui se déploie en retour au sein de l’œuvre de Boomerang à Transit en passant par Où du côté du Mexique, du Brésil, du Canada, etc. En contrefort à l’argument, la récusation du regard européen et sa perception stéréotypée comme société sans histoire (logique qui a la vie dure, parfois enfouie au cœur de l’analyse savante car l’Amérique est pays d’espaces avant tout, pas un pays d’histoire…) – dérive des vues coloniales. À l’inverse, et dans le seul cas états-unien, se trouvent postulés non seulement « un passé » mais « plusieurs passés » (p. 252). Indiens, Européens, Noirs. Si bien que l’essai de représentation des États-Unis s’adresse à toutes « sortes de phénomènes de caches, de tabous, de refoulements passionnants à étudier, et pour lesquels un regard extérieur est tout à fait précieux » (p. 253). Au premier plan, l’histoire comme autant de « régions cachées » (id.). Un caché à mettre en lien avec la double expérimentation visible et rythmique des études.