Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 29 janvier 2019

POÉSIE LONGUE

Au nœud des motifs qui parcourent, relancent, déplacent la réflexion, cette indication à propos de Mobile que « la forme grammaticale principale serait non pas la phrase mais la liste » parce qu’aux États-Unis « la liste, le catalogue joue un rôle plus important qu’en Europe », déclinaisons d’objets, inventaires de magasins, stratégies de juxtapositions, agencements par colonnes, suites espacées, en rapport avec non seulement « l’énormité » mais la « monotonie » (ibid., p. 269) de l’Amérique. Le procédé est conforté par plusieurs analogies, la littérature grecque (aspect que Barthes avait pointé dans Essais critiques par l’entremise de l’épopée), mais Butor se donne des gages également du côté de Prévert et de Michaux (p. 189). Le plus significatif est encore les termes mêmes de la proposition : s’il est entendu que la phrase est une forme grammaticale, il n’en va pas exactement de même de la liste, qui au mieux ressortit au champ rhétorique. Du moins la possibilité pour qu’émerge un phrasé est-elle conditionnée à cette conversion de la phrase en liste. Un cas peut-être révélateur du « sens de la description » et finalement de « l’énumération » (p. 189) ; à mettre en rapport d’une part avec le statut de la phrase longue – qui lui a été souvent objectée dans ses romans, imputable à la double influence Joyce-Proust – et appuyée sur l’éloge d’une tradition (Rabelais, Bossuet, Saint-Simon, p. 217) – la mise en liste plaçant la phrase longue de Degrés, La Modification, L’Emploi du temps dans l’optique nouvelle à partir de Mobile et Description de San Marco, de la « poésie longue » (p. 244), et qu’est-ce à dire exactement ? ; d’autre part, la découpe de la phrase essayée déjà dans les romans par « figures typographiques » – marges, colonnes ou ce que Butor appelle « cellules » dont le rôle serait comparable à des « outils grammaticaux », par exemple « une conjonction » (p. 262).