Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 31 mai 2018

LE PARADOXE DU SINGULIER

Le paradoxe le plus éclairant, qui est le paradoxe du singulier – et Benveniste y revient de manière obsessionnelle comme lorsqu’il observe que chez Baudelaire la rection des prépositions et la syntaxe de manière générale se révèlent identiques aux régularités des productions ordinaires. De même, les mots, « pris séparément », sont entièrement « ceux de la langue ordinaire » (p. 558). Or ils fondent « une expérience toute personnelle et unique » par le biais d’une « langue » qui « n’est […] pas connue a priori » (p. 634). Cette langue dans la langue rappelle la déclaration célèbre de Proust dans Contre Sainte-Beuve : « Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère ». Du point de vue du signe, l’œuvre demeure reconnaissable, puisqu’elle appartient encore au système de la langue, dont elle est une réalisation. Du point de vue de l’art, elle est encore à connaître, puisqu’elle est l’acte « d’un poète, et elle est réinventée par lui dans chacun de ses poèmes » (p. 442). Benveniste décline inlassablement cette idée.