Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 31 mai 2018

ASSEMBLAGE (ENCORE)

L’assemblage m’apparaît avec plus de clarté. À titre général, il présuppose la discontinuité voire l’hétérogénéité des éléments qu’il met en rapport, il organise une économie de la différence. Dans un premier temps, il porte sur la cohérence structurelle des énoncés et les mécanismes combinatoires qui en sont la source. Il appartient déjà au vocabulaire des Problèmes qui parlent de « l’assemblage sélectif et distinctif » en vue de produire des « unités signifiantes » (t. I, p. 62) ou de « la contrainte des lois de leur assemblage » (t. II, p. 227). Dans ce cadre, l’assemblage implique les phénomènes de hiérarchie, notoirement dans le domaine de la syntaxe. Il active également l’idée de « construction » (Baudelaire, p. 28) comme il gouverne les processus de dégroupement ou de « groupement » (p. 646) des signes, sans que ceux-ci soient limités aux cas prosodiques et métriques. Dans un deuxième temps, il prend la forme de « l’agencement » ou de « l’arrangement » (Problèmes, t. I, p. 96) qui déterminent non seulement un ordre mais explicitent la relation partie-tout entre les unités. À ce stade, il se révèle néanmoins irréductible à la seule logique des combinaisons, puisque de « l’assemblage des mots » résultent aussi un « sens » et une référence qui sont inséparables d’un « emploi » (t. II, p. 226) et d’une situation de discours. Or de même qu’il est « sujet à changer » et obéit aux « configurations particulières du mouvant » (t. I, p. 333), ainsi qu’il advient pour le rythme dissocié de la fixité formelle du skema, cet arrangement se révèle « original » lorsqu’il s’agit de phrases dont « le modèle ne peut avoir été donné directement » (t. II, p. 19). Ce ne sont plus alors « les éléments constitutifs qui comptent » mais « l’organisation d’ensemble » (id.). Ce faisant, Benveniste invite à dissocier l’idée même d’ensemble de celle de totalité, qui me semble l’un des enjeux majeurs des manuscrits de poétique : l’assemblage contribue sans nul doute à l’émergence d’une « unité de globalité enveloppant des parties » (Problèmes, t. I, p. 22) mais cette unité résiste simultanément à ces parties. Autrement dit, dans sa généralité ou son approximation, la terminologie que convoque Benveniste a pour effet de réinscrire l’analyse dans le champ pré-phrastique et le halo synonymique de l’âge classique (voir l’état lexicographique de J.-P. Seguin), là où phrase voisine avec dictionexpression et façon de parler. Du moins met-elle beaucoup moins l’accent sur des principes structurels constants qui gouverneraient la formation de la phrase que sur des assemblages entendus comme suites ou séries discursives continues.