Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 20 février 2017

PETITS MALAISES DANS LA LECTURE


Les petits malaises dans la lecture ont des raisons obscures qu’il est parfois difficile d’élucider. À reprendre pour les besoins de l’information le volume collectif sous la direction de G. Philippe et J. Piat, La Langue littéraire. Une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert à Claude Simon (Fayard, 2009), je ne parviens pas à surmonter ce sentiment malgré l’érudition et les documents dûment convoqués à l’appui de la recherche. D’abord, l’effet de déjà-vu, les similitudes avec Ferdinand Brunot, comme si l’on entreprenait de faire du neuf avec de l’ancien. Ensuite, la coupure inhérente au corpus : le focus est disposé sur la prose, sans que par exemple la poésie ou le poétique auxquels les chapitres se rapportent régulièrement constituent un objet et/ou un champ de questions à part entière. Cette coupure renvoie l’image d’un travail par défaut et, de fait, les objections abondent contre certains arguments ou conclusions, qui partent spécialement de la poésie. Mais la mise à l’écart du théâtre n’est pas mieux justifiée. À terme, le schéma historiographique, relativement instable d’ailleurs, plus ou moins borné, avec des indéterminations : l’âge classique jusqu’en 1850, la dominante rhétorique, le modèle oratoire et la période ; de 1850 à la Seconde Guerre mondiale, le moment grammatical et la « phrase » – particulièrement les années 1920-1930 ; l’après-guerre, les expérimentations textualistes et le tournant linguistique énonciatif. Les œuvres considérées individuellement répondraient néanmoins très variablement à ce cadre chronologique. Enfin, les catégories massives : la phase impressionniste-phénoméniste, qui promeut la sensation (1850-1920), la phase endophasique (1920 – l’effet Dujardin et Joyce, le monologue intérieur), la phase phénoménologique (1945-1980), chaque séquence rapportant la langue et spécialement le domaine de la syntaxe aux mécanismes et aux contenus de pensée. Comme si les productions littéraires de la deuxième moitié du XXe siècle pouvaient être unifiées ou subsumées par exemple sous l’appellation de « phénoménologique » (« l’écriture phénoménologique », p. 115). Ou la théorie du sujet se réduire à un modèle cognitif-perceptif. Et cette histoire se cherche des parrainages du côté de la science : Victor Egger, Jean Charcot, de Broca, Georges Saint-Paul (sans mention aucune à côté de la psychiatrie de la psychanalyse naissante et du rôle qu’elle aura joué auprès des écrivains). Et pour finir les écoles qui ont remodelé le plus clairement après-guerre le champ linguistique français, à prédominance mentaliste : Chomsky, Guillaume, Culioli (l’évidence de ce constat étant tellement partagée qu’elle rend la preuve inutile, et qu’il devient encore plus superflu de la mesurer aux variantes formalistes – distributionnaliste, structuraliste, fonctionnaliste…)