Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 13 février 2017

LA PHRASE CONTINUÉE (I)


C’est le titre qui me vient. L’évidence. L’idée est de Mallarmé, dans son observation liminaire au Coup de dés. Elle décrit un autre objet que la « phrase » – cette question pour grammairiens et linguistes, tenue au demeurant en soupçon par certains (voir « les deux syntaxes » d’Alain Berrendonner, par exemple) et distancée par les approches anti-discontinuistes : grammaires de textes, analyses du discours, pragmatiques conversationnelles. Les plans macro, les unités supérieures. Soit. La phrase continuée pose la question de la phrase autrement. Elle continue de faire de la phrase une question des œuvres en premier lieu. Et cette question réside à même l’expression, dans la tension inhérente à la valeur adjectivale de « continuée » et de ses origines verbales : entre l’emploi absolu et de possibles compléments ; entre l’aspect accompli du mot et le sens lexical de ce qui a une suite, décrit une activité, s’installe même dans le temps de sa durée. Elle regarde vers le phrasé certes, et indépendamment des connotations musicales qui peuvent s’y attacher. Mallarmé encore – lettre à René Ghil, 7 mars 1885, soustraction immédiate, lui reprochant de : « phraser en compositeur plutôt qu’en écrivain ». Benveniste, que j’ai déjà cité, en a l’intuition dans son Baudelaire sous l’espèce d’une « phrase-chant continue ». Jusqu’à C. Prigent et Goux. En ce sens, la phrase continuée est d’abord la continuation – c’est-à-dire la conversion critique – de la phrase en phrasé.