Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 24 février 2022

LA LANGUE POUR LETTRÉS

     Surtout ce sont les pronostics qui sont les plus sidérants : « La professeure Lori Saint-Martin, du Département d’études littéraires de l’UQAM, estime toutefois que le mouvement vers une écriture “plus juste et plus inclusive” semble irréversible. “La langue est vivante. Elle évolue de toutes sortes de façons. Certaines sont heureuses, certaines ne le sont peut-être pas, mais on ne l’empêchera pas de changer, c’est sûr”, dit la professeure et écrivaine, qui s’intéresse au phénomène de l’écriture inclusive. » Aucun locuteur n’a évidemment le pouvoir de formuler ce genre de prophétie, qui relève plus de la conviction que de l’observation. Le propos est motivé par le fait que les étudiants de master et de doctorat de la professeure y recourent de plus en plus. Comme si ce groupe de scripteurs à lui seul était représentatif de l’ensemble de la communauté linguistique qui, à terme, sanctionne les usages. Mais le périmètre de la réflexion est symptomatique de cette justice linguistique : elle est aux mains d’une élite, qui a le contrôle d’un certain capital linguistique et graphique, qui a le contrôle sur sa reproduction et sa transmission. La promotion de la langue écrite (et le fait que l’inclusion soit faiblement théorisée du côté de la langue orale  en plus des propriétés sémiologiques respectives de chaque code oral/écrit et de la non-isomorphie qui les relie) n’est évidemment pas étranger aux enjeux débattus. L’écriture inclusive est l’expression d’une langue pour lettrés. Ceux qui nous rebattent les oreilles sur le pouvoir et la domination ne lexercent jamais mieux quen mettant en pratique voire en imposant de telles formes. En plus de mettre au jour les limites de l’observation linguistique elle-même, le propos trahit donc la sociologie même du regard porté au nom de la langue et de la communication inclusive.