Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 5 novembre 2018

VERSETS D'AMOUR

L’imminence de la fin qui taraude, dépressive, le Journal de Lagarce, insistante, asphyxiante, mais nourrit la chronique du quotidien, tendue dans son face-à-face avec l’envie de vivre qui se met à prix dans l’acte d’écrire. En feuilletant le deuxième volume des dernières années, et certains passages annotés, ces versets d’amours que j’avais oubliés du 20 juillet 1990, très beaux, dans l’intensité et la densité de leur rythme, de leur ponctuation :

« Il va mourir, maintenant, maigre et tellement beau à la fois.

On fait doucement l’amour, en prenant toutes les mesures sécuritaires nécessaires. On prend un long bain, lui, posé sur moi comme un enfant malade, son corps superbe en train de se défaire.

On dort enlacés.

C’était comme le bonheur le plus grand d’être si paisibles et le désespoir encore de savoir qu’on se quitte.

On parle de nos parents, de nous, enfants – si différents – et de nos amours.

On s’abandonne. » (Les Solitaires intempestifs, 2008, t. II, p. 21)