Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 9 novembre 2018

SAVOIRS AU PRÉSENT

En traversant le prometteur éditorial de la revue History of Humanities (2016) de R. Bod, J. Kursell, J. Maat et T. Weststeijn. D’abord, l’histoire des « humanities » (et je maintiens à dessein l’expression de langue anglaise) comme nouveau champ de recherche plutôt que comme simple retour ou repli réflexifs, opération qui entraîne inévitablement des enjeux attachés au « dialogue » entre les disciplines, la diversité des approches méthodologiques ou des présupposés épistémologiques. Des écarts également entre ceux qui trouveront légitime par exemple de « compare methods or principles stemming from different regions or periods » et ceux qui mettront l’accent plutôt sur les « cultural incommensurabilities » (p. 5). Etc. Quoi qu’il en soit, une « ambition » (id.) dans le projet qui contient son propre pari – et des risques par conséquent. À la racine de l’entreprise, le triple constat néanmoins : a. suite entre autres aux mouvements d’exportation des modèles occidentaux de savoirs et de disciplines (ce qui inclut les phénomènes corrélés d’ajustements, de résistances et d’assimilations, et en lisant on ne peut s’empêcher de songer au Japon et à la révolution Meiji par exemple), la question des humanities est devenue « a global state of affairs » (id.) ; b. la pluralité des disciplines contenues dans l’objet, l’instable coupure que suppose cet ensemble dans la variété des « groups of disciplines », ou l’hypothèse inverse d’un possible continuum avec « the natural or the social sciences » (p. 3) – lieu commun de la question – une diversité qui constitue la difficulté majeure de ce questionnement, quand elle ne le met pas préalablement en difficulté ce questionnement même (et il y a en soi un saut terminologique entre « sciences de la nature » - « sciences sociales », celles qui ont droit à ce statut, et les disciplines fédérées couramment sous l’appellatif humanities, problème que ne règle pas les différences philologiques entre les langues et les traditions culturelles et institutionnelles) ; c. l’ambivalence qui gouverne actuellement le devenir de ces savoirs et de ces pratiques dans les champs universitaires et scolastiques : d’un côté, l’évolution rapide de ces secteurs, par l’entremise notamment des « digital tools » qui les impactent (voir le nom même bien sûr de Digital Humanities), ou l’intersection ou mieux la « cross-fertilization between disciplines » comme il en va pour les « neuroscientific experiments » qui mettent autrement en lumière « our capacity for producing or appreciating music » (p. 1) ; de l’autre, l’inclinaison palpable, sinon le déclin des disciplines concernées, chute de la démographie étudiante, coupures budgétaires, suppression de départements – ce qui place aussitôt l’enquête historiographique à l’articulation savoir – pouvoir. Dans tous les cas, les récits au passé s’ordonnent autour d’une actualité vive de ces disciplines selon une prémisse posée à l’entame de l’article : « These are exciting times for the humanities » (id.)