Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 17 avril 2018

CORPS ÉCRIT

Ces modi significandi, De Certeau s’en approche à coups de métaphores. Du « silence dans la rumeur des mots » (p. 208), envisagé comme « effets d’un silence dans le langage » (p. 258), au « parler inaudible » (p. 259) comme à « l’écho, inarticulable, d’un Sujet inconnu » dont le locuteur devient le siège ou fiction de l’âme – habitée et parlée, ou même au « corps qui parle » (p. 404). C’est le nouveau régime de discours qu’assume ce qu’il appelle la phrase mystique– empruntant la définition de l’époque, celle qui s’installe au XVIIsiècle bien avant la grammaticalisation du terme : « façon de parler », « manière d’expression », « construction d’un petit nombre de paroles » (Richelet) que De Certeau commente en pleine cohérence sous l’espèce de « tournures » ou d’« usages » (p. 183). Cette « phrase mystique » peut néanmoins devenir le lieu du « poème mystique » (p. 245) en tant qu’elle produit non une ontologie du signe ou une ontologie du vrai, mais « dans le langage des effets relatifs à ce qui n’est pas dans le langage » (p. 200) jusqu’à devenir un « artefact du Silence » (p. 208). En ce sens, la phrase mystique ressortit bien aux « manières de parler mystiques » (p. 205) ; plus que des expressions et des tournures cependant, le « “corps” qui y parle », dont De Certeau essaie de tenir le difficile concept, parfois raté sous la forme du lexique (p. 272) ; bref, tout ce qui – blessé, glorieux, écrit dans la geste mystique – participe de cette invention ouverte d’un « corps pour l’Autre » (p. 405).