Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 23 mai 2022

HÉTÉRONOMIE

   Entretien avec Jonas Follonier de la linguiste féministe, Danièle Manesse, L’écriture inclusive est annonciatrice d’une tyrannie (Causeur, 30 mars 2022). Un travail-bilan de démystification critique dans la suite du volume collectif dirigé avec Gilles Siouffi (Le masculin et le féminin dans la langue, 2019) : plus un projet politique que linguistique – à mes yeux, c’est même littéralement une utopie – et le phénomène mérite d’être observé pour cette raison même ; et enfin l’argument de « l’inculture ». Il est vrai qu’il se vérifie régulièrement, les inclusivistes ayant une vision souvent approximative de l’histoire de la langue, pour ne rien dire des connaissances de base en sciences du langage. Mais malgré ces failles il me semble qu’on est au-delà de l’inculture, dans un ensemble de pratiques significatives reconnaissables : l’entrée dans le champ du savoir de discours hétéronomes – relevant entre autres du consulting et de sa mainmise sur le monde de la recherche, avec la connivence de certains acteurs de ce monde. À comparer peut-être entre la controverse française et l’état du débat nord-américain. Car le milieu universitaire est le premier artisan sinon responsable de ces amalgames. Les para-savoirs ou les contre-savoirs, la question inclusiviste n’étant elle-même qu’un révélateur d’une dynamique et d’une évolution plus larges et complexes qu’il me semble urgent de prendre très au sérieux. Autrement dit, parler dinculture, c’est vrai mais c’est manquer aussitôt le problème.