On en reste soi-même
tout ébouriffé : la version la plus socialement obscène des éléphants, la
plus satyrique et la plus clownesque aussi, la plus spectaculairement pulsionnelle, haineuse et grossière de l’homme de pouvoir.
Et c’est malgré tout une
très belle leçon de démocratie.
D’une part, le rappel de
qui détient, et exerce véritablement la souveraineté dans un pays libre, à
revers des spéculations et des pronostics de la logosphère, du modèle
télévisuel des projections, des gloses, des statistiques, des polls achetés et
vendus par les instances médiatico-politiques : l’un des signes de basse intensité
du forum moderne. En terre américaine, l’intérêt du 8 novembre se situe d’abord dans
cet événement, les erreurs cumulées de perception et d’appréciation d’acteurs proposant
et imposant une vision sociale du monde au lieu d’en comprendre le fonctionnement
réel.
Du moins convient-il de
remonter, deux mois plus tôt, au portrait que Salena Zito par exemple dresse du
candidat pour The Atlantic (23.09.16), et l’intuition assez justement formulée qui le
traverse : « “Fifty-eight
percent of black youth cannot get a job, cannot work,” he says. […] It’s a
claim that drives fact-checkers to distraction. The Bureau of Labor Statistics
puts the unemployment rate for blacks between the ages of 16 and 24 at 20.6
percent. Trump prefers to use its employment-population ratio, a figure that
shows only 41.5 percent of blacks in that age bracket are working. But that
means he includes full time high-school and college students among the jobless.” » Et l’auteure du papier d’ajouter :
« It’s
a familiar split. When he makes claims like this, the press takes him
literally, but not seriously; his supporters take him seriously, but not
literally.* » Entre les deux adverbes, se glissent l’intelligence, la ruse de l'animal politique, aussi démagogue soit-il.
D’autre part, les
orientations inquiétantes de cette même souveraineté, cherchant à surmonter les
divisions et les inégalités (économiques, sociales, ethniques, etc.) sur le
mode du populisme, sont très loin d’être isolées. Elles participent sans nul doute
d’une logique large de la mondialisation (voir « Trump – de la
mondialisation », http://journaldetravail2008.blospot.ca) dont
l’effet se ressentira, en retour, au plan géopolitique. Mais elles confirment sur
les deux dernières décennies la tentation récurrente des démocraties d’Amérique
et d’Europe, parmi les plus anciennes et solidement ancrées, à emprunter cette voie, eu égard chaque
fois aux spécificités nationales : Sarkozy-France, Berlusconi-Italie,
Aznard-Espagne, Canada-Harper, sans parler des mouvances ou composantes idéologiques
présentes en Hongrie, en Pologne, en Autriche. La signature de notre temps.
God bless America.