Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 30 novembre 2016

434 500, QUI DIT MIEUX ?

À la rubrique des chiens écrasés, la presse en parle et en disserte depuis ce matin, il faut donc croire que l’anecdote a le statut d’un authentique événement : le calibre 7 mm, 6 coups, modèle Lefaucheux, qui mit fin en terre bruxelloise à la passion tigresque de deux poètes. Ce fut l’heure où, comme le disaient les frères Goncourt, « la littérature crut devoir s’originaliser par de la pédérastie » (Journal, 5 février 1891)... Sommet aussi de la justice belge, notoirement l’examen médical des docteurs Semal et Vlemincks en date du 16 juillet 1873 sur la personne de Verlaine, agrémenté d’une description – comment dire ? – fouillée du pénis et de l’anus*. On paraît moins regardant de nos jours au fondement de la poésie moderne, dont le colonel Grochot déplorait encore qu’il tînt tout entier à « cet accouplement de pédérastes » (Arthur Rimbaud ne varietur, 1937). Du moins pour ce qui concerne les œuvres du passé, qu’on aurait même tendance à traiter au rang de saintes reliques. Car il faut bien un âne pour vendre le revolver, estimé à 60 000 euros, un autre pour l’acquérir à 434 500 euros. La littérature n’a guère de place dans cette histoire et l’objet se classerait plutôt dans l’ordre muséal. Et pourtant, l’opération est ce qu’il y a de plus rationnel et a nom le marché comme il en existe de longue date en art et en peinture. Nihil novi sub sole. Au jeu des prix et des enchères, la « culture » (ce gros mot de l'époque) a néanmoins cet intérêt de rappeler de temps à autre quels ressorts très religieux gouvernent les lois mathématiques et spéculatives de l’économie.

* À ce sujet et sur le procès de Bruxelles, voir les deux beaux livres de Bernard Bousmanne, « Reviens, reviens, cher ami ». Rimbaud/Verlaine. L’affaire de Bruxelles, Calmann-Lévy / Bibliothèque Royale de Belgique, 2007 ; Verlaine en Belgique. Cellule 252. Turbulences poétiques, Bruxelles, Mardaga, 2015.