Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

vendredi 25 novembre 2016

MADEMOISELLE FIFI


C’est au tour de Mademoiselle Fifi. « Allons de l’avant » – décidément. Trois fois scandé, par cette éloquence très banale, à l’appui du poing photogénique de l’orateur, serré et ferme, plein de conviction et d’ardeur à promouvoir un programme national-réactionnaire, des plus passéiste. On en oublierait presque qu’il fut l’exécuteur durable, flegmatique et soumis, tout en grisaille, des basses œuvres d’un autoritaire digne des caricatures de Gill ou de Daumier. Et pour que le lecteur n’y perde rien d’essentiel, sa ponctuation binaire – gras et romain – d’experts en communication, l’emphase didactique. La politique de la rengaine et ses idéologèmes. « Enclencher le redressement de la France » comme à la Libération : le mot regarde certes la puissance et l’aura perdues du pays, cette obsession héritée des années gaullistes ; il implique probablement ce qu’il faut de thérapie brutale aux maux qui sapent la société ; mais il n’exclut pas surtout une forme d’orthopédie civique et morale. Penser sur le mode de la grandeur, et remettre sur le droit chemin. « Refuser l’immobilisme qui condamne la France ». L’antienne des trente dernières années, aussi générale que généreuse pour séduire des électeurs de tendances diverses. On est toujours l’immobiliste de quelqu’un d’autre. Mais l’origine du mot, elle, ne ment pas, en synonyme de « conservatisme » et antonyme de « progrès », emprunté aux doctrines de gauche. Le terme passe entre autres par Charles Fourier et les socialismes du XIXe siècle, retourné contre les socialismes et leur histoire au présent. « Une dynamique économique sans lequel [sic] aucune politique sociale ne pourra être efficace et financée durablement », celle-là assujettissant celle-ci : un « néo-libéralisme » tellement assumé qu’il s’énonce discrètement au nom de l’État-providence, du modèle qu’il souhaite le plus profondément liquider. Ce n’est pas que la politique manquerait ici d’utopie ; elle n’aurait même plus la faculté élémentaire d’imaginer. On appelle cela l'avenir.