Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 22 juin 2023

DIRE LE BIEN

    Ce qui est intriguant dans les lignes directrices sur l’écriture inclusive du gouvernement fédéral, et la mise au point de l’inclusionnaire, c’est le sens à donner au mot-valise qui hybride donc « inclusion » et « dictionnaire » (en anglais : inclusion et dictionary). Le mot accomplit en quelque sorte l’acte d’inclusion lui-même. Il regroupe des entrées de déterminants, noms ou adjectifs sous la forme de tableaux à deux colonnes. D’un côté, la « phrase » dite « genrée », par exemple : « Les voyageurs n’aiment pas les contretemps ». De l’autre, les énoncés alternatifs : « Les personnes qui voyagent n’aiment pas les contretemps » ou « Quiconque voyage n’aime pas les contretemps ». Dans le cas de tous de « Bonjour à tous ! », il est proposé : « Bonjour ! », « Bonjour tout le monde ! », « Mesdames et Messieurs, bonjour ! » Dans la vision inclusiviste, cette occurrence demeure discutable toutefois, puisque le syntagme Mesdames et Messieurs écarterait ici en bonne logique les personnes non-binaires… Quant à « médecin », l’option donnée est de coupler les genres (en neutralisant toutefois l’accord nominal) : « Je dois prendre rendez-vous chez le médecin » devient « Je dois prendre rendez-vous avec un ou une médecin ». La périphrase s’impose entre « Le député doit être digne de confiance » et « Quand on représente la collectivité, il faut être digne de confiance ». Ces stratégies de récriture reposent sur le mythe de la synonymie alors qu’il n’existe pas entre les signes d’équivalence au sens étroit, mais seulement des différences pour reprendre Ferdinand de Saussure. En vérité, cette espèce de langue d’État est une utopie au sens où elle résume l’idéal normatif d’une sorte de bien dire qui consisterait moins, en l’occurrence, à dire bien (en raison d’une correctivité formelle de la phrase) qu’à dire le bien (en raison d’une expressivité éthique de la phrase).