Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 21 juin 2023

DÉMYSTIFIER

   Je renoue le fil de la conversation, après un long mois, alors que les effets de la fatigue et de la touffeur montréalaise – que je déteste profondément – se font déjà sentir. Au hasard de la lecture, Barthes et l’une des ses chroniques des années 1978-1979 pour Le Nouvel Observateur – « Démystifier » : « J’ai longtemps cru qu’un intellectuel moyen, comme moi, pouvait, devait lutter (ne serait-ce que vis-à-vis de lui-même) contre le déferlement des images collectives, la manipulation des affects. Cela s’appelait : démystifier. Je lutte encore, ici et là, mais au fond je n’y crois plus guère. » Je pourrais en faire un fragment d’autobiographie. Barthes ajoute : « Maintenant que le pouvoir est partout (…), au nom de quel parti démystifier ? Qui dénonce la manipulation fait lui-même partie d’un système de manipulation : récupéré, telle serait la définition du sujet contemporain. Il ne resterait plus alors qu’à faire entendre une voix d’à côté, d’ailleurs : une voix sans rapport » (Œuvres complètes, t. V, p. 648-649). Et malgré tout : la nécessité de la résistance critique. Parler d’ailleurs, je ne vois pas qu’on puisse jamais faire autrement. Mais on en a de plus en plus le sentiment, à observer en particulier l’inquiétante évolution des médias généraux, qui tendent à comprimer la diversité des points de vue et la dynamique de la contradiction. Le travail de la critique a rarement été là. Mais il est aussi vital de passer par ce genre de parole publique aussi.