Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 1 juillet 2021

PERSPECTIVISME

     « Perspectivalism », « standpoint theory », « viewpoint ». Y-at-il d’autre explication qu’un perspectivisme radical sinon extrême dans cette sociologie militante – qui en même temps la conduit, à l’image de l’inconsistance épistémologique de termes tels que « micro-agressions » et cie, toute la novlangue victimaire, à rester au seuil – à l’intuition des problèmes qu’elle désigne ? Car il s’agit de donner voix aux minorités, à leur ressenti, à leurs expériences – et « lived » est probablement un des adjectifs qui revient le plus souvent à ce sujet. Mais c’est de nouveau au moyen du vécu. Or cette orientation ne considère jamais le point de vue de celui qui serait dominant. Ce dernier ne parle plus. Ou presque. Un peu à la manière de ces journalistes militants qui enquêtent mais déclarent qu’on n’interroge pas l’oppresseur, que ce dernier n’a plus droit à la parole. Ce qui présuppose inévitablement qu’ils savent qui est l’opprimé, où il se situe, et qui est l’oppresseur, sur qui il agit. Cette vision du monde d’essence très complexe. Il n’empêche que dans le cadre de la science et des sciences sociales en particulier, l’enjeu tiendrait au moins au partage des perspectives. À aucun moment cela n’est envisagé. De même, ni la perception ni le sentiment du représentant des minorités ne sont vérifiés. Comme si son point de vue, spécialement construit par l’émotion, pouvait constituer per se une preuve. Sans parler de l’opération minimale qui consisterait normalement à mesurer les représentations que les sujets se font de la réalité sociale aux structures objectives de cette même réalité – notamment en contrôlant les faits. Le perspectivisme donne indéniablement droit et voix aux sujets dominés ; de l’autre côté, il assigne à la connaissance de possibles limites. Mais cet aspect théorique n’est pas même considéré, encore moins construit. L’hypothèse qui en découle : par exemple, que la Shoah n’est qu’une question de perspective, celle des victimes juives…