Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 31 juillet 2021

138

    À l’échelle québécoise, il y a quelque chose qui subsiste encore du mythe américain, ou de la coïncidence du mythe et du réel, autour de cette route 138 qui part d’Elgin, au sud-ouest de Montréal, près de l’État de New York, et s’inachève à Kegaska par une piste empoussiérée, crasseuse et irréelle, et court tout au long de la Côte Nord. Elle est différente du circuit de la 132, sa jumelle (et concurrente) qui, de l’autre côté du fleuve, conduit en Gaspésie, mais donne le sentiment de revenir sur ses pas – d’être parvenue à boucler ou à totaliser. Ici au contraire, le territoire demeure ouvert ; les trouées de la route, les passages frayés du côté du Labrador, tout regarde en direction de ces lieux isolés : Chevery, Harrington Harbor, Tête-à-la-Baleine, Blanc-Sablon – une toponymie peut-être vague et rêveuse pour le passant ou le voyageur, certainement âpre et ingrate pour l’habitant.