Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

lundi 3 octobre 2016

MARCHEPIED


Il se plaint de voyager depuis un an avec une carte senior. Un soir, dans le hall de la gare centrale, il a pourtant rejoint de lui-même la file des clients et des abonnés, en attendant que la première lumière verte s’allume au-dessus d’une stalle informatique et de faire face à la guichetière rêche et grimaçante, qui a lui demandé sur un ton fonctionnel les preuves d’éligibilité nécessaires au fameux rabais. Ce qui encombre l’âme n’est pas l’âge déclaré, ni même le déclin qu’il devrait trahir. L’usure du corps, voilà plus de vingt ans qu’il la scrute à chaque stigmate de la peau, aux plis irréversibles des graisses, aux entraves muettes et occasionnelles des membres. Les petites pathologies entretiennent les conversations. Mais le marchepied qu’il prend sans y ajouter de mélancolie lui rappelle combien il se sent tout à coup déclassé.