Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mercredi 12 octobre 2016

L'IMPRÉVISIBLE EN COURS

En parcourant de nouveau les divers lettres et hommages de la « Pléiade » de Saint-John Perse, œuvre de mythologie personnelle, contrôlée et signée, quelques phrases-échos ou « intersignes » – « […] qu’une étude de linguiste ne se suffit pas à elle-même et qu’elle trahit l’intégralité même du langage si elle ne traite, dans l’écrit, du mystère intégral de la création poétique – fait singulier de cohésion, de simultanéité et d’instantanéité entre toutes composantes de son unité vivante1. » ; voix de Léon-Paul Fargue, familière, à la fois reconnue et reconnaissable par sa « capacité d’être autre sans cesser d’être elle-même2. » ; portrait de Gide, inscrit dans la tradition, en retrait devant le mouvement des avant-gardes (ou « l’automatisme » de certaines formes de négation), mais : « librement ouvert à l’imprévisible en cours3 », capable donc de miser au présent sur l’inconnaissance du lecteur et le risque du créateur.

(1) Saint-John Perse, « Lettre à Albert Henry », Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1972-1982, p. 579.
(2) « Léon-Paul Fargue (Préface pour une édition nouvelle de son œuvre poétique) », ibid., p. 513.
(3) « André Gide “face aux Lettres françaises, 1909” », ibid., p. 474.