Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

jeudi 6 octobre 2016

IT FEELS LIKE


Le déroulé du temps est certes une représentation trop linéaire et conventionnelle pour rendre compte de la météorologie irrégulière et accidentelle de l’existence. Des saisons simplifiées, épurées ou réduites ici au nombre de trois ou de deux, il se dégage néanmoins quelques tendances, de celles qui scandent les attitudes et les habitudes, les pulsions alimentaires ou les rites vestimentaires, de peu d’élégance, fatalement, en un tel pays. Trop souvent, on y enfle d’ailleurs sous les plumes et les tissus, on en compare le poids et le volume au squelette et aux chairs, qui attendent de pouvoir s’exposer quelque jour à nu. Le concept d’indécence, ainsi imaginé ou fantasmé, en devient source de jubilation. C’est que le climat n’est pas tant rigoureux qu’injuste. Si la reverdie se chante tel jour précis et éphémère, par variantes maussades ou optimistes (« Le printemps a eu lieu le 13 mai cette année. »), l’automne prend quant à lui les formes lumineuses et pourrissantes d’un toujours bref été. L’hiver possède à lui seul le sens de l’éternité. On en célèbre peut-être moins les neiges et les vents à la manière rêveuse et oratoire du poète qu’on en palpe trivialement la durée et l’inachèvement. Derrière les vitres tachées de flocons gris, en fixant les bancs d’ordures et de glaces accumulés sur les trottoirs, on écoute en silence la rhétorique de M. Météo, qui peut-être servira l’espoir. De la consultation obsessionnelle et litanique des températures il apparaît que l’arithmétique n’a jamais été une science objective. Car la théorie des nombres exprime malgré elle des nuances insoupçonnées. -36, -17, -21 ne signifient rien sans le verdict final qui emporte la croyance. Feels like est la vérité approximative du temps, en pire ou en mieux, la résistance du sensible qui déjoue mentalement les données prévisionnelles.