Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

mardi 12 juillet 2016

VOIR DE LOIN – ÉTÉ 68




En feuilletant les Lettres* de Bernard-Marie Koltès. Il y a certes le voyage inaugural à New York, « le règne des Noirs, de la publicité ; des dollars, de la prostitution », et la pornographie « étalée là aux yeux de tout le monde ». Ce premier périple éclipserait presque son passage au cœur de l’Amérique francophone, à Montréal où l’on se croirait « à peu près dans une ville américaine » – à peu près – ou sur les bords du Saint-Laurent : « Les Canadiens français n’ont en fait de français que le nom et – à peine – la langue. Leur mentalité est plutôt américaine, tout à fait semblable à celle que j’ai rapidement rencontrée à New York. Il nous est extrêmement difficile de communiquer – sur le plan des idées. Un Canadien et un Français du même âge, de la même situation sociale – du moins équivalente –, malgré une grande sympathie, ne peuvent pas, du moins à ce que j’en ai vu, réagir de la même manière, ni penser de même. On est ici dans le règne de la machine IBM, de la mécanique, de la technologie ». Les idées, plus que la langue. Et en résistance à ces clichés sur les cultures et les peuples, la conclusion qui l’investit déjà comme étranger : « Je pense souvent à la France, si petite, si follement idéaliste et faible. Je la vois ici de loin, et j’ai presque une pitié pour tous ses philosophes et ses penseurs qui me paraissent à présent si solitaires. »


* À ses parents, 29 juin et 2 juillet 1968. Éditions de Minuit, 2009, p. 61-64.