Pour
qui est habitué aux règles, plus souvent tacites et partagées que réellement
exprimées, du recrutement des professeurs et des maîtres de conférences au sein
du système universitaire français, les pratiques nord-américaines, spécialement
canadiennes, ont de quoi surprendre et mettent l’observateur dans la position
du Persan de Montesquieu*. Au demeurant, si l’esprit de satire devait
absolument s’exercer, ce serait en retour contre les manières et les coutumes de
l’hexagone. En effet, nos universités et nos départements auraient peut-être
intérêt à méditer certaines différences et, qui sait ?, à s’inspirer des
usages en cours chez nos voisins, proches ou lointains.
Le
comparatisme étant un exercice risqué, et bien qu’il soit difficile de s’en
dispenser absolument, il est exclu cependant d’établir des parallèles et des
analogies trop simples ou spontanés entre deux systèmes, canadien et français,
qui obéissent à une histoire, des traditions nationales et culturelles
sensiblement distinctes. Il y faudrait une méthodologie capable de rendre
visibles les présupposés sociaux et institutionnels qui sont à l’œuvre dans la
logique canadienne de la cooptation. La critique que jadis Pierre Bourdieu
adressait par exemple à l’homo academicus, l’arbitraire culturel qui
s’exerce au nom de l’esprit de corps sur les nouveaux entrants, en assimilant
le recrutement à une sélection et à une reproduction des habitus, pourrait
s’étendre au modèle canadien. Mais à l’inverse la dialectique entre élitisme et
méritocratie y a d’autres origines, et n’est pas associée comme en France à la
politique républicaine. Enfin, la reconnaissance des compétences et plus encore
de la valeur scientifique obéit outre-Atlantique aux cotations d’un marché de
la connaissance dominé par des top
researchers, fondé sur l’attractivité des établissements qui les
choisissent, un potentiel de financement qui se confond avec leur
« renommée »**.
Il
importe sur ce point de souligner qu’au Canada ce marché de la connaissance
s’organise autour d’organismes subventionnaires vers lesquels les chercheurs
doivent se tourner pour obtenir des fonds qui les aideront à monter une équipe,
organiser des colloques, financer leurs voyages d’études et leurs conférences,
embaucher des assistants de recherche, se procurer du matériel informatique et
technique. En conséquence, les professeurs sont conduits à soumettre des
projets allant de 2 à 5 ans, en fonction de thématiques déterminées ou libres
mais directement liées à leurs travaux et à leur parcours scientifique. À
l’échelle fédérale, il va ainsi par exemple du Conseil de recherches en
sciences naturelles et en génie (CRSNG) ou du Conseil de recherches en sciences
humaines (CRSH). Dans cet ensemble, le Québec est doté de ses propres instances,
par exemple le Fonds de Recherche Société et Culture (FQRSC). Il n’entre pas
dans notre propos de détailler ces deux niveaux de la politique scientifique du
pays, mais de rappeler que c’est sur la base de cette capacité à acquérir des
subsides que les professeurs sont pour partie évalués par leur établissement.
C’est aussi par ce moyen qu’ils gagnent ou, si l’on préfère, qu’ils
« achètent » leur indépendance intellectuelle. Les universités et les
facultés y ont un intérêt considérable puisque, une fois le chercheur lancé
dans un programme, elles n’ont plus à soutenir financièrement au même degré
leur personnel.
Ainsi,
l’ambition de ce papier reste modeste et sans doute plus descriptive
qu’analytique. Il s’agit plutôt de mettre l’accent sur certaines modalités
originales du recrutement (et non sur ses présupposés ou ses effets), en
admettant une restriction du propos, puisque la question et les exemples seront
empruntés en priorité au champ disciplinaire des Humanities selon la terminologie nord-américaine. Il reste que de
la psychologie aux littératures, de la biochimie aux études environnementales,
des interrogations pratiques assez similaires demeurent : quel temps
consacrons-nous au recrutement de nouveaux collègues ? sur la base de quels
critères s’opèrent l’exclusion et la sélection des candidats ? quelles
formes prend l’épreuve de cooptation en elle-même ?
La force de l’habitude
Le
propre de l’habitude est de rendre les choses naturelles, au point que l’on ne
conteste plus cet état de fait, mécaniquement produit, qui prend alors force de
loi partout et de tous temps. Les modalités du recrutement universitaire en
France participent de ce genre d’inertie. Vues de l’extérieur, elles ont même
quelque chose d’incompréhensible, de singulier sinon de tout à fait dérisoire.
Certes,
avant de se retrouver en situation d’entretien, face à un « comité de
sélection », le nouvel entrant aura eu un parcours jalonné par
l’évaluation et la sanction de son doctorat, le rapport de thèse qui reste
déterminant pour sa carrière à venir, la qualification auprès du Centre
National des Universités, de la ou des sections afférentes. C’est même parfois
au nom de ces étapes préliminaires qu’est justifiée la brièveté de l’audition
finale, – assurément variable selon les jurys mais excédant rarement la
demi-heure (si l’on tient compte du temps alloué au candidat et de la période
d’échanges et de questions avec le comité), qui décidera ou non de son
intégration dans le corps savant. Mais une telle durée est objectivement problématique.
D’une
part, en ce qu’elle n’a pas la valeur d’un authentique concours, fondé sur
l’exercice en temps réel des compétences de l’individu, mais plutôt de test
communicationnel avec ses possibles dérives rhétoriques. D’autre part, en ce
qu’elle laisse généralement assez peu de latitudes au candidat comme à la
commission. Elle est surtout le symptôme que le processus d’évaluation et de
sélection s’opère largement en amont, et tend pour cette raison aussi à
renforcer la part d’arbitraire, réduisant alors d’autant la démocratie du débat
au profit de jeux de domination ou de luttes d’influence, sans même évoquer le
népotisme dont le milieu s’efforce régulièrement de nier ou de taire
l’existence.
Aggravé
par les pressions économiques et la récente réforme des universités, les
restrictions budgétaires de l’État, la pénurie des postes, ce phénomène
s’accompagne de formes complexes de ressentiment ou d’incompréhension du côté
des déçus ou des exclus. Il trace enfin différentes lignes de partage entre les
générations en poste depuis une ou deux décennies et celles qui sont en
attente, pour lesquelles l’accès au monde universitaire qui multiplie les
exigences est devenu de plus en plus difficile.
Le processus et ses acteurs
De
l’autre côté de l’Atlantique, la situation n’est pas nécessairement plus
enviable. Sans même évoquer le prolétariat des chargés de cours, dont la masse
peut être parfois considérable pour pallier les besoins de certains
départements ou facultés, la subtile hiérarchie qui s’établit entre d’un côté
les Assistant Professors et de
l’autre les Associate et Full Professors, s’articule pour
l’essentiel autour de la « Tenure »
(l’obtention de la « permanence »), qui contribue à rebours à une
précarisation du corps enseignant. Au nom d’une idéologie de la compétitivité
et du résultat, les mécanismes de pression qui en résultent portent aussi bien
sur les performances pédagogiques, évaluées de surcroît par les étudiants au
gré de questionnaires (réglés sur le modèle des sondages d’opinion), que sur la
comptabilité et la visibilité scientifiques (la course aux publications). Dans
ce domaine, alors qu’aux États-Unis la pédagogie ne cesse jamais d’être un
critère, spécialement au niveau des « Colleges »,
l’obsession canadienne est d’abord tournée vers les subventions de recherche
auprès des organismes qui les financent. Au-delà des articles et des livres,
c’est ce qui détermine en premier lieu la « valeur » du chercheur,
valeur plus institutionnelle que proprement scientifique. Enfin, ces mécanismes
de pression aboutissent à des formes de sujétion administrative de celui qui
débute en carrière à l’égard de ses pairs qui ont déjà pris rang. Certaines
universités américaines parmi les plus prestigieuses n’hésitent pas à se doter
d’un large bassin d’Assistant Professors dont, au terme des six années
que dure la tenure-track position, le
contrat n’est pas renouvelé pour les deux-tiers d’entre eux. Cela posé, le
pourcentage est beaucoup plus faible du côté des universités canadiennes qui
n’ont pas nécessairement les moyens de se dispenser de leurs Assistant Professors comme dans l’espace
de l’Ivy League.
Malgré
tout, il reste que les modalités de recrutement académique outre-Atlantique, et
spécialement dans l’espace canadien, y paraissent plus rationnelles, en ce sens
strict qu’elles correspondent directement à la réalité du poste, à ses besoins
et à ses exigences. Du côté du candidat, le processus de sélection ne dépend
pas d’une instance étatique comme c’est le cas avec l’étape de la
qualification. Il est admis à concourir dès lors qu’il possède sa thèse de
doctorat. Du côté de l’établissement, la feuille de poste est disponible auprès
de la direction des ressources humaines, diffusée par voie imprimée et
électronique sur les sites des facultés et des départements concernés,
transmise à des sociétés savantes, des associations scientifiques (du type Modern Language Association), des
revues, etc. Les dates du concours peuvent varier, et ne se concentrent pas
nécessairement à la fin du calendrier universitaire. Du fait de leur
« autonomie », les établissements gèrent directement leur masse
salariale, et par voie de conséquence l’offre d’emploi. De même, concernant les
procédures de recrutement, elles font preuve de liberté, même si on observe des
régularités entre les universités. En l’occurrence, les variations qui se
dégagent s’expliquent en partie par des traditions disciplinaires ou des usages
locaux. Dans ce contexte, il est peut-être imprudent de raisonner a priori sur un modèle. Certaines
caractéristiques sont stables néanmoins.
Le
dossier écrit du candidat comporte, en plus d’une lettre de présentation, du curriculum vitae, de la liste des
publications, des articles et/ou des livres, un dossier pédagogique. Ce dernier
se subdivise en deux composantes : un exposé sur la
« philosophie » de l’enseignement du candidat, ce dernier y fait part
de son expérience et de sa vision pédagogiques ; les évaluations par les
étudiants des cours qu’il a eu l’occasion de dispenser, sous l’espèce de
statistiques et de commentaires. Autre élément notable : l’application est accompagnée de lettres
de recommandation émanant de deux ou trois (ou plus) referees : avis stratégiques du directeur de thèse, du
superviseur d’un stage postdoctoral, d’un collègue de travail, par exemple.
Bien que le genre de la lettre soit très codé au plan rhétorique, il ajoute au
capital scolaire proprement dit le capital social. À travers ses lieux communs,
il décrit ainsi la position de l’individu dans l’espace universitaire avec ses
réseaux et ses connexions.
Le
comité de sélection (« Search
Committee », « Selection
Committee ») préposé à l’évaluation des documents est élu de manière
collégiale par les professeurs du département, et le plus souvent composé de
membres permanents. Il arrive cependant que des professeurs non-permanents y
figurent. Le nombre de membres peut varier mais demeure relativement réduit. À
eux d’établir la short list des
candidats qui peut raisonnablement osciller de 2, 3 à 5 voire plus (bien que
cela soit plus rare). En outre, le comité inclut ex officio la direction du département. En revanche, il n’admet pas
de membres extérieurs issus d’autres universités, qui seraient liés de près ou
de loin à la discipline du poste, selon une distribution qui répondrait à la
hiérarchie des corps (comme il existe un collège des maîtres de conférences et
un collège des professeurs). Le seul intervenant extérieur est le représentant
du doyen de la faculté (« pro-dean »),
dont la mission officielle est celle d’observateur. Tandis que son choix peut
être motivé par des raisons d’affinités scientifiques, il participe également
au vote. Il veille surtout au respect des règles et à ce que l’évaluation puis
l’audition des candidats soient éthiquement conformes. Dans les faits, alors
que le comité représente les intérêts du département (sans d’ailleurs être
toujours souverain, ses choix pouvant être contestés par des membres qui n’y
siègent pas), le pro-dean forme une
instance de surveillance et de contrôle supplémentaire. Du reste, que ce soit
sur le mode de la division ou du consensus, le comité n’exclut pas évidement
stratégies et tactiques.
Le temps de l’épreuve
L’épreuve
peut se dérouler sur une ou deux journées, et requiert par conséquent une
présence et une participation actives des instances départementales et même
facultaires. Il n’est pas exclu qu’en plus du corps professoral les candidats
soient conduits par exemple à rencontrer en personne le doyen de la faculté qui
les recrutera et/ou ses associés. Quant aux entretiens proprement dits, ils
sont publics et ne se limitent pas au comité de sélection. Il sont ouverts à
l’ensemble des professeurs du département (siégeant ou non dans le comité),
ainsi qu’aux collèges étudiants, à savoir les représentants élus de niveau 1er,
2e et 3e cycles, qui sont par ailleurs habilités à poser
des questions. Au terme de l’audition, ceux-ci remettent un rapport et un avis
motivés sur les candidats au comité de sélection qui en tient compte, même si
le document reste de nature consultative avant tout.
Il
convient de souligner que les entretiens sont très ouverts voire détendus sans
être familiers. Ils ont un aspect beaucoup moins ritualisé qu’en France. Si les
connaissances du candidat, son agilité intellectuelle, sa rigueur et sa
méthode, y sont examinées bien entendu, c’est dans un cadre conversationnel
beaucoup plus horizontal qui a pour fonction avouée non de faire valoir les
faiblesses du candidat ou de lui faire perdre la face selon la technique
courante de l’élimination, mais au contraire d’en obtenir le meilleur, quitte à
tester ses résistances et ses limites, mais toujours en vue de produire un
jugement global sur les potentiels nécessairement contrastés de la personne.
Des lacunes dans la connaissance ou l’incapacité à répondre ponctuellement n’y
ont rien de rédhibitoire. À l’inverse, l’échange rend beaucoup plus difficile
le recours au « bluff ».
Si
la stratégie de sélection a une dimension assurément managériale, inspirée à
bien des égards par le monde de l’entreprise, c’est qu’elle répond non
seulement aux besoins académiques du département mais également pour les
universités de très haut rang à des critères quasi-obsessionnels de leadership et de rayonnement. Au cœur de
chaque élection, indépendamment même de la discipline, l’enjeu est la place
voire l’aura scientifique de l’établissement dans le monde de la recherche et
au sein de la société elle-même. Le recrutement à l’échelle internationale et
la défiance envers la pratique de l’inbreeding
(litt. « consanguinité »), qui aurait pour homologue en France la
peste du « localisme » avec ses variantes entre les universités
parisiennes et les universités de province, peut constituer un point de
doctrine. Bien entendu, la critique de l’inbreeding
modère sans les confisquer absolument les filiations intergénérationnelles, la
technique des patronages, l’adoubement des disciples à l’intérieur des
départements. Mais de manière générale, le phénomène de leadership est dramatisé par la logique concurrentielle qui oppose
entre elles les universités, et les retombées symboliques et économiques
qu’elle entraîne. Selon l’idéologie circulaire mais officielle, les candidats
sont convoités dans la mesure où ils convoitent les postes ; si l’on veut,
ils choisissent l’université qui les choisit…
À
titre d’exemple, et pour en donner une idée à la fois schématique et fidèle, la
journée d’un finaliste débutera par la présentation détaillée de son parcours
de recherche et des projets originaux qu’il peut soumettre au département.
Cette présentation peut être agrémentée d’un modèle de plan de cours ou même
suivie d’une simulation de cours à l’intention à la fois des étudiants et des
collègues. La règle est observée dans certaines institutions européennes,
notamment en Suisse. Ce dernier volet est l’occasion de révéler le sens
pratique que le candidat a de l’acte de transmission, la maîtrise et la
cohérence de sa conception du cours, depuis le planning prévisionnel des
séances et des thèmes à aborder jusqu’aux références bibliographiques propres à
la matière considérée. Mais il peut être aussi le moyen de s’assurer de l’usage
que le candidat a fait ou pourrait faire des nouvelles technologies, à l’appui
de la formation des étudiants.
À
cette première étape, qui nourrit déjà les discussions avec le comité et
l’assemblée, succède une deuxième sous la forme d’une conférence, d’orientation
plus académique, sur la base d’une question imposée ou d’un thème librement
choisi, mais toujours en lien immédiat avec l’intitulé du poste. Il s’ensuit de
nouveau un débat qui permet au comité d’interroger les présupposés du discours,
de saisir le cadre théorique de la pensée proposée, d’apprécier sa part
novatrice, ses opacités ou ses limites. À ce stade, le parcours du combattant
est loin d’être terminé cependant. D’autres exercices moins formels
l’attendent, dont chaque comité de sélection est en droit de réinterpréter et
de modifier le contenu, les critères et les attentes, dans le respect des
coutumes départementales et des règles édictées par les « guidelines » (instructions,
chartes) de chaque faculté.
Ainsi
l’aspirant sera confronté par exemple à une rencontre avec les collèges
étudiants qui lui auront préparé des questions. Elles leur permettront
notamment de mesurer sa prise de contact avec le public, la pertinence de ses
propositions de cours, ses projets de collaboration, par exemple la supervision
d’ateliers de recherche avec des doctorants. S’il s’agit d’une candidature plus
avancée, l’expérience déjà acquise dans l’encadrement de masters et de thèses
pourra être également évoquée. Inutile de dire que pour être informel cet
échange n’en requiert pas moins de la part du candidat des bases très solides
et une connaissance adéquate du métier. Il en va de même de séances prévues
avec les professeurs du département. Autant de propos libres et décousus, en
apparence, qui sont le moyen d’interroger le candidat sur les aspects pratiques
de sa future fonction : tâches administratives, travail d’équipe,
assistanat de recherche, demande de subventions de recherche, etc. Ajoutons
pour terminer cette vue d’ensemble qu’il existe certaines variantes dans
l’espace québécophone au Canada. Certaines établissement y suivent un autre
ordre : une première rencontre peut avoir lieu entre le candidat et le
comité de sélection ; une autre journée est alors prévue pour la
conférence que le candidat
adressera au corps professoral en son entier.
Mais
en règle générale, une journée d’épreuve est scandée en continu par des
conférences et des débats. En outre, elle est soumise à certains rites à la
mode britannique : le candidat est ainsi invité à partager le repas avec
les membres du comité de sélection, le midi voire le soir. Cet aspect plus
convivial peut faire illusion, en ce qu’il fait passer provisoirement les
enjeux du recrutement au second plan. En vérité, il est un cadre propice à juger
le comportement et la personnalité du candidat. Ce qui importe alors est son
être-perçu, les schèmes et les signes corporels, psychologiques et sociaux que
l’aspirant donne à déchiffrer à ses futurs collègues. En vertu de ce « profiling », l’intérêt du comité ne
se porte plus uniquement sur les qualités intellectuelles mais sur
l’« humeur sociale », pour savoir si elle est ou non compatible avec
une équipe qui devra travailler avec un nouveau collègue pendant peut-être de
longues années.
Conclusion
Au
terme de cette brève description, qu’il est possible de nuancer, de corriger ou
de compléter, notre objectif n’est pas de valoriser un système, nord-américain
et spécialement canadien, au détriment d’un autre, l’institution française. On
aura signalé par ailleurs au cours de l’analyse certaines failles idéologiques.
Du moins l’exemple a-t-il le mérite de mettre au jour non seulement les
dysfonctionnements structurels des « comités de sélection » actuels
et des anciennes « commissions de spécialistes », mais surtout
d’exhiber les paradoxes du recrutement universitaire dans l’hexagone. La
distance géographique et culturelle autorise certes la critique ; elle ne
permet pas cependant de conclure à la nécessité absolue
d’« importer » de façon mécanique ou béate un modèle parce qu’il
serait supposément meilleur. Elle oblige seulement à repenser les modalités de
sélection du personnel scientifique et pédagogique en France, c’est-à-dire à
reconnaître avant tout l’urgence de les réinventer.
* À la demande de Véronique
Caron, ce texte est paru initialement dans L’Archicube,
revue de l’École Normale Supérieure (Ulm), nº14, Mérite et excellence, juin 2013, sous le titre : « Étranges
coutumes : quelques modalités du recrutement universitaire au Canada ».
** Sur le statut
particulier des universités du Québec, réglées pour l’essentiel sur un mode organisationnel
britannique, et les programmes d’enseignement des littératures françaises et
francophones, voir l’article éclairant de Michel Pierssens, « La
Littérature hors concours » (http://www.fabula.org/colloques/document1504.php)