Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

samedi 14 décembre 2019

L'OREILLE

Mais l’essentiel est encore ailleurs, c’est que dans le tout premier plan, l’accès au visible coïncide avec une image incomplète dont l’intérêt est qu’elle fait le point non sur le visage mais sur l’oreille du personnage. Si l’on veut, le spectacle s’ouvre sur le champ d’écoute – et ce n’est pas un hasard si le film donne droit d’abord à la trame sonore avant l’image. L’écoute, ce sera la caractéristique centrale de Louis et de son alter ego, Catherine, bien entendu. Ce qu’on voit, et l’on voit d’abord mal, est à entendre. De fait, ce sera la voix de l’hôtesse qui n’est pas située dans son champ de vision auquel Louis répondra. C’est à ce moment qu’il se retourne et nous dévoile son visage. Cette micro-action a une double fonction : l’hôtesse en annonçant la descente et le retour au réel sort Louis des rêveries dans lesquelles il est absorbé, le spectacle est d’abord mental avant d’être visuel ; Louis se renfonce dans son siège et boucle sa ceinture, le récit se poursuit avec changement de plan, plus resserré mais over the shoulder. Le point de vue se transforme, ce n’est plus celui d’un passager anonyme dans l’allée opposée. Louis est vu depuis le rang antérieur : le spectateur occupe le regard de l’enfant, sorte de double du héros. Quand le prégénérique s’achève sur ces mots : « Voyons voir ce qui va se passer » – annonce du récit à venir et spectacle au second degré, ce qui est cadré inversement est une partie du visage, et l’œil du personnage…