Ces papiers d'Amérique(s) sont aussi à leur manière les papiers d'un jour.

Un journal, peut-être ? Un carnet, plus sûrement. Des notes et des impressions. Des textes gouvernés par la circonstance. Improvisés quand il faut. Mal écrits souvent, à la hâte ou sur le vif.

D’une intention encore mal éclaircie. Ils (se) cherchent moins quelque patronage littéraire qu'à découvrir cette intention.

Des papiers, encore. Drôle de matière. Moins emblème que dissonance, lorsqu’on les mesure à leurs ponctuations numériques. Il arrive toutefois qu'ils s’accordent avec le sens qu'ils possèdent en langue anglaise. Ils (re)deviennent alors une catégorie du discours.

Ce sont généralement plutôt des brèves, des citations ou des gloses. Des bouts d'expérience, qui deviennent par accident métaphores. Des morceaux d'actualité. Et pour tout dire, les digressions y occupent le centre.

Les dates qui leur répondent, aléatoires ou affectives, ne tiennent elles-mêmes que de fendre un peu des événements de nature très diverse, intimes ou publics, quelconques - incertains.

Pour l'essentiel, tout y est vu d'ici.

dimanche 15 décembre 2019

LE SILENCE SONORE

C’est sous forme d’intuition, et en guise de mise au point sur sa performance personnelle, un morceau que j’avais manqué, ce que résume très bien l’actrice Marion Cotillard lors de la conférence de presse du festival de Cannes, en rappelant notamment quelle fut sa difficulté à incarner le personnage de Catherine, les obstacles à s’approprier le texte, ce qui est souvent le cas des comédiens qui jouent Lagarce : « Ce qui est intéressant avec les grands auteurs, c’est qu’il faut juste trouver le déclic du langage, et qui, effectivement, a pas été évident pour moi au départ. Mais en tous cas, dans la partition de Catherine, il y a tellement de phrases avortées, de redites, de butées, que c’est comme si elles donnaient un peu une sonorité aux silences, qui sont si importants dans ce film-là, et du coup, à partir du moment donné où je me suis rendu compte que sa parole était presque un silence sonore, ça a été, pas plus simple, mais, en tous cas, c’est comme si j’avais trouvé une clé pour dire ce texte, qui me faisait très très peur. » (https://www.youtube.com/watch?v=0OgdF-yMgZc). Donner « une sonorité aux silences » ce n’est pas l’affaire uniquement de la diction et du phrasé de l’acteur, et au demeurant Marion Cotillard parle plus largement de son jeu, même si en priorité elle s’interroge sur la manière de rendre le texte. En l’occurrence, c’est la parole de Catherine qui est qualifiée de « silence sonore ». Mais cela n’est pas davantage réservé à la bande son, bruitages ou séquences musicales. Donner une sonorité aux silences, c’est la poétique même du film dont le lieu est bien sous les mots et entre les mots, en capturant (au sens anglais et français) les moindres détails des corps parlants. Donner une sonorité aux silences, c’est peut-être avant tout les faire entendre à la condition de les faire voir. À ce titre, le point d’optique est déterminé par le point d’écoute, et réciproquement. Voir plus bas, l’oreille et l’œil.